Samedi 27 février 2021, durant la marche organisée par Ennahdha à Tunis, on a été surpris par de voir des Nahdhaouis se soumettre au rituel du baisemain envers leur chef Rached Ghannouchi, qui a semblé se prêter à l’exercice avec une certaine délectation. Sommes-nous vraiment en Tunisie et en 2021 ?
Par Hichem Cherif *
Ces scènes choquantes venaient d’un autre monde et d’un temps qu’on croyait révolu. Est-ce que les Tunisiens et les Tunisiennes du 21e siècle accepteraient de voir leurs enfants, demain, courber l’échine pour baiser la main d’un personnage au comportement aussi trouble et qui mériterait d’être psychanalysé ?
De nos jours, le baisemain est considéré comme un geste de galanterie, de politesse et de respect d’un homme envers une dame. Il consiste pour l’homme à s’incliner légèrement devant une dame, en saisissant délicatement sa main et en la baisant en signe d’hommage.
Cette pratique est une invention récente et ne s’est répandue qu’au début du XXe siècle. Elle s’inspire d’une tradition médiévale européenne qui consistait pour un vassal à baiser la main de son seigneur. Ce rituel consacre un lien de servitude entre le vassal et son suzerain.
En se prêtant au rituel du baisemain en public, Rached Ghannouchi, qui nourrit une forte rivalité empreinte d’hostilité envers Kaïs Saïed, a-t-il voulu dire au président de la république : «Tu as tes électeurs et j’ai mes vassaux» ? Seulement, le chef islamiste a oublié qu’il n’est pas un souverain et que le baisemain a été aboli en Tunisie depuis Moncef Bey, dans les années 1940 du siècle dernier.
Souvenons-nous : en recevant les condoléances des représentants de la population, après les funérailles de Ahmed Pacha Bey, le nouveau souverain, bousculait le protocole et s’adressait à ses sujets en ces termes : «Dorénavant, je vous dispense du baisemain, ce geste servile, entaché d’idolâtrie, geste humiliant pour l’être humain; j’exige qu’on me serre la main, car je ne suis pas seulement votre souverain, je suis plutôt votre père et vous êtes mes enfants. Soyez des hommes, des hommes étroitement unis». Et effectivement, durant le règne de ce «bey du peuple», qui se voulait ami et proche de ses sujets, le baisemain fut banni de la cour beylicale.
Ghannouchi, qui ne s’est jamais vraiment senti Tunisien et ne semble même pas connaître l’histoire de notre pays – c’est un panislamiste qui croit à la «oumma islamique» et rêve de restaurer le califat – ne sait pas tout cela. D’où la scène moyenâgeuse dont il nous gratifiée samedi dernier.
* Avocat.
Donnez votre avis