Sur Carthage +, l’invité de l’émission politique de Sameh Meftah, vendredi 26 mars 2021, a été Ahmed Safi Saïd, le journaliste ami des affairistes véreux Chafik Jarraya et Slim Riahi et courtisan des dictateurs Mouammar Khadhafi et Saddam Husseïn, qui est aussi député depuis 2019. Le propagandiste, qui a toujours monnayé ses écrits, aime être affublé du titre de «moufakker» (penseur) et se considère comme le Voltaire du monde arabe et bien au-delà. Vendredi soir, il a été fidèle à lui-même : arrogant, hautain, nerveux et agressif.
Par Imed Bahri
«Monsieur je sais tout» a débarqué sur le plateau de Carthage + vendredi soir pour une heure et 36 minutes d’une interview tumultueuse conduite non sans mérite par Sameh Meftah qui a essayé de ménager un invité mégalomane qui a voulu conduire l’interview à sa place.
La journaliste a commencé par revenir sur un épisode qui colle à Ahmed Safi Saïd et qui est sans cesse publié sur Facebook selon lequel, en réalité, il s’appelle Hamma Sebti, qu’Ahmed Safi Saïd n’est qu’un pseudonyme et qu’il aurait changé son nom et prénom. Il a nié catégoriquement s’appeler Hamma Sebti en s’exclamant avec son accent levantin «Chou hel laâb mtaâ al atfal?» (c’est quoi ce jeu d’enfants) avant d’ajouter : «Et même si je m’appelais Hamma Sebti et alors? Où est le problème? Chou hadha?».
Arrogant, hautain, nerveux et agressif
Ahmed Safi Saïd, grand donneur de leçons devant l’Éternel qui se prend pour le génie de son époque, se dit encore et toujours nationaliste arabe. Pour lui, il faut créer une Union Arabe à l’instar de l’Union européenne car «il n’y a que des p’tits cons qui se suffisent à des petits carrés». Il n’a pas eu le courage jusqu’à affirmer qu’il est contre l’idée de l’Etat-nation lui qui est pour le panarabisme comme tous les nationalistes arabes à l’instar des islamistes qui sont panislamistes et ne jurent que par le califat.
Interrogé sur la raison pour laquelle Kaïs Saïed, un autre protagoniste original de la scène politique tunisienne, ne fêtait pas l’Indépendance de la Tunisie, Ahmed Safi Saïd a dit qu’il y avait des gens qui ne croyait pas en l’indépendance comme les Frères Musulmans ou les salafistes de Hezb Ettahrir mais il n’a pas pu trancher si Saïed croyait ou pas en l’indépendance. Il faut dire que le caractère taiseux de Kaïs Saïed et le fait qu’il dit ce qu’il a envie de dire et de dissimuler ce qu’il a envie de dissimuler ne facilite pas la tâche.
Ahmed Safi Saïd toujours fâché avec la modestie et l’humilité déclare: «Je suis un historien des mouvements politiques, je sais tout sur les mouvements politiques; interrogez-moi sur n’importe lequel et je vous répondrai mais je ne parviens pas à situer Kaïs Saïed ce qui ne veut pas dire qu’il n’en a pas. Il y a ce qu’on appelle la ‘‘taqeyya’’ et il y a des gens qui arrivent au pouvoir en usant de la ‘‘taqeyya’’, ils dissimulent leurs idées et convictions pour arriver au pouvoir et l’asseoir». Ahmed Safi Saïd fera remarquer, au passage, que Rached Ghannouchi, président du parti islamiste Ennahdha, et Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT, la centrale syndicale, ont demandé comme condition sine qua non pour répondre aux invitations du chef de l’Etat qu’il cesser de diffuser des vidéos où il n’y a que lui seul qui parle.
Sameh Meftah revient sur le vote ou pas de la parité par le député Ahmed Safi Saïd pour l’élection des juges constitutionnels. Il esquive et ne veut pas répondre. Quand elle insiste, il s’énerve et commence à crier : «Je refuse ce procès progressiste et le mot parité est un mot rétrograde, c’est un langage idéologique fasciste. La femme doit arracher sa place comme Abir Moussi.»
Au passage, le député a mentionné une inexactitude montrant qu’il ne maîtrise pas du tout son travail de parlementaire, en disant que les blocs choisissaient les candidats à la Cour constitutionnelle. Faux, depuis l’amendement de cette semaine, les candidatures vont devenir directes, chaque personne répondant aux critères peut candidater dans l’avenir. Ça se voit que l’absentéiste Safi Saïd connaît mal ses dossiers. Les discussions stériles des salons de thé de luxe des Berges du Lac l’intéressent beaucoup plus.
«Ne me criez pas dessus», lui lance Sameh Meftah
Et justement, concernant son absentéisme, il estime qu’il peut s’absenter et on ne doit pas le dire! Ce serait un crime de lèse majesté. Sameh Meftah lui a posé une question à ce sujet, mais il n’a pas voulu répondre parce qu’avec lui, c’est lui qui doit choisir les questions et si ça ne lui plaît pas, il crie et répond sur un autre sujet qu’il choisit. Pire, il ne s’arrête pas, se croyant dans une conférence et s’il est interrompu dans son monologue hors-sujet, il crie encore plus fort. Toutefois, Sameh Meftah a insisté sur la question, le culotté député a répondu avec un rire jaune: «Je ne comprends pas pourquoi ils me cherchent?».
Concernant sa simulation de signature sur la motion visant à destituer Ghannouchi cet été immortalisée depuis le balcon de l’hémicycle et qui en dit long sur l’honnêteté du personnage, il répond: «C’est un honneur pour moi et l’Histoire me donnera raison». Mme Meftah ne croyait pas ses oreilles, elle lui dit : «Vous parlez de l’histoire de la signature?», il reprend avec la même réponse.
Interrogé sur la réunion de Kaïs Saïed et Nizar Yaïche, ancien ministre des Finances, qui a formulé des solutions à la situation actuelle, Ahmed Safi Saïd rit pendant que Sameh Meftah lui posait la question puis rétorque en montant sur ses grands chevaux que d’abord cette histoire de compétences le gênait, autrement, dit-il, il n’apprécie pas les profils technocratiques et qu’ensuite cette histoire de jeunesse le gênait (Kaïs Saïed veut faire participer les jeunes au débat national). Il dit que cette histoire de jeunesse le gène car tous les dictateurs ont instrumentalisé la jeunesse. Ensuite, il s’en prend avec beaucoup de populisme à la personnalité de Nizar Yaïche : «Vous ramenez le fils de la bourgeoisie pour résoudre les problèmes des enfants des paysans», et perd ses nerfs et crie encore et encore. Il crie même sur Sameh Meftah qui agacée à juste raison le rappelle à l’ordre : «Ne me criez pas dessus.» C’est à croire que, chez lui, engueuler les autres n’est pas seulement un tempérament ou la marque d’une mauvaise éducation, mais une méthode pour impressionner et intimider.
Un mégalo qui lorgne le Palais de Carthage
Vendredi soir encore, Ahmed Safi Saïd est resté fidèle à son insupportable mégalomanie, à sa suffisance dans tous les domaines et à son manque de respect envers les autres. Celui qui se croit supérieur aux autres semble être devenu encore plus mégalomane avec les sondages qui le donnent deuxième après Kaïs Saïed lors de l’élection présidentielle. Il faut dire que de la publication de la revue ‘‘Africana’’ destinée à faire la propagande du régime de Kadhafi à l’aspiration à la présidence de la république, Ahmed Safi Saïd a fait du chemin mais ce n’est pas une raison pour se prendre pour ce qu’il n’est pas. Mais s’il n’est pas au pouvoir et qu’il se conduit de la sorte, alors que fera «Monsieur je sais tout» si par malheur il arrivait au pouvoir?
Donnez votre avis