Rached Ghannouchi, président du parti islamiste Ennahdha et, très accessoirement, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), a «convoqué» le ministre de la Défense, Brahim Bartagi, pour être auditionné par la commission parlementaire en charge de l’organisation administrative et des affaires des forces armées…
La convocation, datée d’hier soir, vendredi 23 avril 2021, et signée par Adel El-Hanchi, le secrétaire général de l’Assemblée, fixe la date de l’audience pour le mardi 27 avril, à 10 heures, au Bardo. Et précise son objet en ces termes : «Vous entendre à propos de la neutralité de l’institution militaire, de l’intervention de la justice militaire et de l’émission d’un mandat d’amener au nom d’un membre de l’Assemblée des représentants du peuple, et ce malgré son attachement à son immunité parlementaire».
Le député objet de cette convocation est, on l’a deviné, Rached Khiari, un extrémiste islamiste réputé pour sa défense de l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daêch), proche d’Ennahdha et chargé de ses basses besognes, notamment des attaques frontales contre ses adversaires politiques, et à leur tête le président de la république Kaïs Saïed, que le député à récemment accusé de liens avec des services de renseignement étrangers qui, selon ses allégations diffusées dans une vidéo sur les réseaux sociaux, avant d’être supprimée, ont financé sa campagne électorale pour la présidentielle de 2019. Et c’est cette accusation qui, on le devine, est à l’origine du mandat d’amener émis par la justice militaire, laquelle est en devoir d’enquêter à propos d’allégations d’une aussi grande gravité, n’en déplaise à M. Ghannouchi.
S’agissant d’une décision d’un tribunal militaire, le ministre de la Défense assure, certes, sa tutelle, mais ne peut s’immiscer dans ses procédures. Les magistrats militaires sont d’abord des magistrats qui jouissent de la même indépendance que leurs collègues civils.
Par ailleurs, en convoquant le ministre de la Défense pour l’auditionner à propos d’une affaire en cours d’instruction par la justice militaire, ce dernier outrepasse ses prérogatives constitutionnelles et commet une grave entorse au principe de la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire. Mais avec le dirigeant islamiste on s’attend à tous les abus dès qu’il s’agit de défendre sa bande, car il agit souvent, non pas comme un président de l’Assemblée mais comme… un chef de bande.
I. B.
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