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Pourquoi tant de haine envers Abir Moussi ?

Mon propos n’a pas pour objectif de soutenir Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), approuver ses positions ni dire la justesse de son combat. J’entends simplement lui rendre justice et dénoncer le procès en sorcellerie que la classe politique moisie lui intente pour avoir fait et dit ce que les politiques au pouvoir ou dans l’opposition n’ont pas le courage de faire ni de dire.

Par Lotfi Maherzi *

Tout se passe comme si Abir Moussi était devenue un souffre-douleur et une cible à abattre pour les partis islamistes et leurs alliés fascistes, ce qui n’est pas une surprise, mais aussi, ce qui surprend beaucoup tout de même, de certains partis et acteurs de la mouvance dite démocrates ou de la gauche politique, syndicale et médiatique.

Toute cette palette islamo-démocrato-gauchiste, qui prétend défendre l’Etat civil et la démocratie, a substitué au débat, l’insulte, la menace et le discrédit. Tous ces arrivistes, aux cœurs noirs de rancœur se déchaînent contre Abir Moussi, la présentant comme le symbole de l’ancien régime, ce qu’elle n’a jamais d’ailleurs nié elle-même, l’apparatchik d’une future dictature, le clown du parlement et autres amabilités malveillantes.

Une machine de la détestation pour circonscrire sa parole

Pensez donc ! Cette avocate brillante a milité dès l’âge de 17 ans dans la Jeunesse destourienne avant d’être promue secrétaire générale adjointe, chargée de la femme au sein du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de l’ancien président Ben Ali. Peu importe que ce parcours soit assumé ou pas, qu’elle soit sincère dans ses convictions ou pas, qu’elle ait été combative, tout au long de la décennie de la honte, avec force et passion, contre le poison de l’islam politique qu’Ennahdha a instillé au goutte-à-goutte dans la société tunisienne, mais non, on veut garder, mettre en avant et privilégier son passé RCDiste et lui reprocher d’être, «par nature», portée sur la dictature.

On observe la même ligne hostile à Moussi chez les sympathisants de la social-démocratie proche des cercles du pouvoir et dans les diners huppés des démocrates embourgeoisés, où l’on colporte à l’envi cette accusation et d’autres ragots propagés par les islamistes sur sa vie privée, pataugeant ainsi dans la mare rance de la rumeur.

D’autres, aveuglés par leur haine des Destouriens et complaisamment relayés par une fachosphère islamiste qui leur prête une oreille complice, procèdent par petites phrases assassines et des polémiques vides de sens, pour salir la présidente du PDL en tentant au passage de décréditer ses soutiens comme les chroniqueurs Lotfi Laamari et Maya Ksouri ou les philosophes Olfa Youssef et Youssef Seddik et bien d’autres.

En fait, nous assistons à mise en place d’une véritable machine de détestation qui exécute sans aucune circonstance atténuante ni la moindre recherche d’une explication sincère et objective l’activisme bruyant de Mme Moussi et de son parti contre la mainmise de l’islam politique sur le parlement et les institutions du pays.

Pourquoi tant de haine et comment l’expliquer ?

Alors pourquoi tant de haine envers Abir Moussi et pas une autre personnalité politique ? Est-elle à ce point insupportable notamment aux partis dits démocrates qu’ils soient alliés avec les islamistes ou dans l’opposition, allant jusqu’à la désigner plutôt que Rached Ghannouchi comme premier adversaire, exprimant ainsi parfaitement leur alliance «contre nature» entre leur ADN théoriquement émancipateur et l’islamisme foncièrement liberticide. Pourquoi ce retournement de sens ?

Et puis admettons un instant que la communication d’Abir Moussi souvent axée sur le buzz, le clash et les postures parfois provocatrices ou incomprises pouvaient susciter irritation, interrogation et incompréhension avec toujours ce risque de fragiliser progressivement son combat et amoindrir un capital de sympathie patiemment et courageusement acquis.

Supposons aussi que ses adversaires sont légitimement en droit de critiquer son programme, dénoncer d’éventuelles erreurs, mettre l’accent sur des partis-pris excessifs, faut-il pour autant tolérer les incitations à la haine, se réjouir des agressions et des menaces de morts dont elle est l’objet quotidiennement ? Et puis, ce qu’elle dit dans ses discours de haut vol portant en continu la colère et l’espoir auraient-ils si peu d’importance au point de la dézinguer à tout va ?

Une haine qui résulte de facteurs personnels et politiques

Non, loin d’être le fruit du hasard, la haine et la violence envers Abir Moussi et son parti ne viennent pas de nulle part; elles résultent de facteurs essentiellement personnels et politiques. Elles viennent d’abord de l’imaginaire antidémocratique et liberticide sur lequel est construite toute la stratégie de l’islam politique. C’est un vieil imaginaire qui a toujours pour principaux cibles l’égalité des sexes, la liberté de conscience, la laïcité et la démocratie, des fondamentaux non négociables pour Abir Moussi.

Au-delà des désaccords politiques et du débat démocratique, cette haine et cette violence envers Abir Moussi ne se nourrissent pas d’éléments du programme du PDL mais se construisent autour de la personnalité même d’Abir Moussi. Et cette manière de la discréditer, non pour ce qu’elle dit ou fait, mais pour ce qu’elle est, afin de l’ériger en repoussoir, est symptomatique de la profonde dégradation de l’action politique en Tunisie.

En outre, l’aversion personnelle envers Abir Moussi est souvent un leurre, une façon de masquer la faiblesse et les difficultés actuelles de toute la classe politique qu’elle soit au pouvoir ou à l’opposition. Celle-ci prend conscience de sa faiblesse sociologique et politique. Elle sait qu’elle a perdu son assisse populaire et qu’elle ne la retrouvera plus. Alors, elle préfère mener des combats dégradants plutôt que se demander pourquoi 36% des Tunisiens ont l’intention de voter pour le PDL.

De plus, cette classe politique finissante ne dispose d’aucune figure ayant l’envergure, le charisme, le savoir-faire ou l’autorité morale requise pour tout leadership, dont dispose Abir Moussi, pour fédérer au-delà du cercle réduit de leurs militants. Elle sait que cette femme montre magistralement les traits de caractère d’un leader avec une volonté déterminée, intransigeante et peu encline à la complaisance.

L’on comprend, dès lors, pourquoi Abir Moussi est devenue pour ses détracteurs, dont beaucoup auraient des choses à se reprocher, une menace à ne pas négliger et doit, par conséquent, être mise hors-jeux coûte que coûte même s’il faut avoir recours à l’insulte, à l’intimidation et aux méthodes bien plus violentes.

Abir Moussi est devenue une menace parce qu’elle est la seule personnalité politique qui combat le régime infâme du «tawwafeq» (consensus) bricolé par les islamistes et Nidaa Tounes et soutenu par plusieurs dirigeants politiques qui, par électoralisme, lâcheté ou confort calculé, ont pactisé avec l’islam politique et sa mouvance tunisienne, Ennahdha. Elle a été la seule à refuser de céder à ce simulacre de démocratie et s’est employée sans faiblesse à combattre ce projet mortifère, avec l’accord de plus en plus de Tunisiens, lassés par une cohabitation calamiteuse pour le pays dont seul Ennahdha, qui en tire les ficelles, profite et fait profiter ses partisans.

Les démocrates convertis en idiots utiles de l’islam politique

Par ailleurs, la présidente du PDL est devenue la femme à abattre pour les idiots utiles de la mouvance socio-démocrate, parce qu’ elle a su pointer du doigt leur grand renoncement à la république, en se laissant prendre dans l’engrenage de la compromission et en ouvrant large et sans compter leurs bras à l’islam politique. Elle sait qu’il n’y a rien à attendre de ces démocrates réformistes toujours prompts à disserter d’une manière sélective sur les atteintes à la liberté, mais préfèrent fermer les yeux et se boucher les oreilles devant les menaces et les agressions dont font régulièrement l’objet Abir Moussi et ses partisans. Et quand ces mêmes démocrates critiquent Rached Ghannouchi, c’est le plus souvent en termes courtois, ceux qu’utilisent des laïcs démocrates pour s’adresser à des islamistes démocrates. Abir Moussi et son parti n’ont pas droit au même traitement.

Enfin, les insultes et les attaques à l’endroit de Abir Moussi se sont multipliées ces derniers temps pour essayer de porter atteinte à son image et ruiner le projet qu’elle porte. Ses détracteurs savent qu’elle est la seule à avoir un programme construit et organisé autour d’axes de rénovation politique et sociale, de transparence de la vie politique et de respect des lois, comme elle est la seule à s’engager à changer la constitution et le code électoral imposés par Ennahdha et quelques juristes égarés, qui ont consacré un système partisan conduisant à l’impuissance du pouvoir public et à son contrôle direct par les partis.

* Universitaire.

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