Le chef du gouvernement Hichem Mechichi a oublié de donner des instructions pour faire ériger le drapeau national au fronton des bâtiments publics et dans les artères des grandes villes, à l’occasion de la célébration du 64e anniversaire de la proclamation de la république, ce dimanche 25 juillet 2021. Il était très occupé, il est vrai, en tant que ministre de l’Intérieur par intérim, à faire quadriller le pays par les unités sécuritaires pour empêcher le mouvement populaire de protestation prévu à cette occasion. Peine perdue. Même l’autoritarisme ne s’improvise pas…
Par Imed Bahri
Le territoire de la république a certes été quadrillé, depuis hier soir, par les unités sécuritaires, qui ont empêché, avec un zèle retrouvé, tous les déplacements entre les villes et les régions, officiellement pour soi-disant empêcher les contaminations par le Covid-19. Cette précaution, elles s’étaient bien gardées de la prendre, ces mêmes unités sécuritaires, au cours des manifestations organisées, il y a quelques semaines, par les milliers de partisans du mouvement islamiste Ennahdha, principal parti de la ceinture politique de M. Mechichi, avec Qalb Tounes et Al-Karama, ramenés à Tunis par bus entiers de toutes les régions du pays, donnant ainsi un précieux coup de main au virus et provoquant le pic de la crise pandémique que nous observons actuellement.
Quand Mechichi prend la grosse tête
Pour servir avec zèle ses «employeurs» islamistes, M. Mechichi ne leur refuse rien, quitte à renouer avec les pratiques de la dictature en matière d’atteinte aux libertés individuelles et publiques. Hier, des agents du district de police du Bardo, quartier où se trouve l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), ont effectué une descente dans les locaux de l’association Itilaf Al-Soumoud et saisi une quantité de bouteilles d’eau minérale qui étaient destinées à être distribuées, le lendemain, une journée de grande canicule, aux manifestants devant se rassembler devant le Palais du Bardo.
Les agents se sont fait aider par des agents de contrôle économique, prétendant avoir effectué la descente sur ordre du procureur de la république (sans fournir le moindre document prouvant cette allégation) et accusant les responsables de l’association de s’adonner à un commerce illégal (sic!).
Cette histoire à la limite du ridicule, relatée par Itilaf Al-Soumoud dans un communiqué publié ce matin, rappelle les pratiques policières d’un autre âge qui étaient celles de l’ancien régime pour museler les activistes de la société civile et réduire au silence toute opposition. On sait comment Zine Abidine Ben Ali a fini les dix dernières années de sa vie et M. Mechichi doit se garder de jouer au gros bras, car la grosse tête, il faut en avoir les moyens et ceux qui le poussent aujourd’hui à commettre ces bêtises seront demain les premiers à le lâcher et à lui faire porter le chapeau de tous les abus commis sous son mandat.
Le ras-le-bol général des jeunes
Cela dit, le quadrillage sécuritaire n’a finalement servi à rien, puisque les manifestations contre le gouvernement et le système politique post-2011 ont bel et bien eu lieu, à Tunis, à Sousse, à Gafsa, au Bardo, où se trouve le siège de l’Assemblée, et d’autres villes tunisiennes.
Contournant les barrages policiers mis en place dans tous les coins de la république, des milliers de jeunes sans coloration politique et indépendants de tous les partis ayant pignon sur rue, lesquels avaient d’ailleurs pris leurs distance vis-à-vis de ce mouvement, ont réussi à se rassembler pour lancer leur cri habituel: «Dégage!», adressé aux dirigeants de tous les partis, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, exprimant ainsi un ras-le-bol général, face à la détérioration de la situation dans le pays et dans tous les domaines. A tout seigneur tout honneur, ce sont, bien sûr, le parti islamiste Ennahdha et son président Rached Ghannouchi, qui ont été les principales cibles des slogans des manifestants. Mais Hichem Mechichi tout comme Kaïs Saïed ont eu droit eux aussi à quelques amabilités.
Pour ces manifestants dont l’action ne semble pas avoir été prise au sérieux, ce 25 juillet est le début d’un mouvement qui ira crescendo et dont l’objectif final est de faire tomber le gouvernement en place et même, disent-ils, le système de corruption qui l’a enfanté, qui le manipule et qui le tient en laisse, comme on tient un… chien de garde.
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