Les soi-disant amis de la Tunisie se concertent pour imposer un sauvetage de l’islam politique au nom d’une conception de la démocratie qui ne tient pas compte de ce que réclame le peuple tunisien : fin d’une partitocratie enfonçant le pays dans la corruption et le blocage des institutions et du processus de transition démocratique, prise en compte des revendications qui étaient au cœur du soulèvement contre le régime de Ben Ali et des mobilisations sociales qui ont permis à Kaïs Saied de faire son coup de force débarrassant le pays du système dominé par les islamistes et leurs alliés.
Par Mohamed-Cherif Ferjani *
Les puissances internationales, Etats-Unis et France en tête, n’ont pas tiré les leçons de l’échec de leur stratégie misant sur l’islam politique comme une alternative aux dictatures qu’ils avaient soutenues des décennies durant. Ils veulent imposer un deal comme celui qu’ils avaient concocté en 2013, avec Rached Ghannouchi (Ennahdha) et Béji Caid Essebsi (Nidaa Tounes), derrière le dos des mobilisations de la société civile et des forces démocratiques réclamant la fin du règne de la «Troïka» dominé par les islamistes. Ils ne veulent pas que la justice poursuive les corrompus et les responsables des assassinats politiques, des crimes terroristes et autres malversations à l’origine de l’impasse dans laquelle se trouve la Tunisie. Ils veulent que le parlement reprenne ses fonctions au plus tôt, sous la présidence de Rached Ghannouchi.
Les gouvernements occidentaux doivent cesser leurs ingérences
L’opinion publique internationale et les défenseurs de la démocratie et du droit des peuples à l’autodétermination doivent faire pression sur les gouvernements de leurs pays pour qu’ils cessent leurs ingérences. Ils n’ont pas à monnayer leur aide en cherchant à imposer un nouveau diktat au détriment de la démocratie et de ce que veut le peuple tunisien.
Les forces démocratiques, la société civile et toutes les forces politiques et sociales attachées à la souveraineté de la Tunisie doivent se mobiliser pour refuser un tel diktat et exiger de Kaïs Saied de ne tenir compte que de ce que demande le peuple tunisien dont les luttes ont permis la fin de la domination des islamistes et de leurs alliés. Kaïs Saied doit respecter les promesses qu’il a données aux représentants des corps constitués et des organisations de la société civile :
Exclusion des parties impliquées dans la corruption et les crimes contre le pays
Pour que ces conditions soient réalisées de façon démocratique fermant la porte à toute dérive autoritaire, un dialogue national doit être organisé avant la fin du délai d’un mois pour fixer la feuille de route et l’agenda de ce qui doit être fait pour répondre aux demandes sociales les plus urgentes et pour organiser des élections à même de doter le pays d’institutions démocratiques.
Kaïs Saied avait conditionné la tenue d’un tel dialogue par l’exclusion des parties impliquées dans la corruption et dans des crimes contre l’Etat et le pays; son coup de force répondant aux mobilisations populaires permet aujourd’hui de réunir le congrès avec les forces sociales et politiques non impliquées dans ce genre de crimes.
* Professeur honoraire de l’Université Lyon2, président du Haut conseil scientifique de Timbuktu Institute, African Center for Peace Studies.
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