Pour les 39 personnalités de la société civile tunisienne signataires de la déclaration reproduite ci-dessous, le lynchage politique et médiatique auquel est soumis le président Kaïs Saïed est injuste car « contrairement à l’image colportée, la Tunisie ne vit guère sous les bottes d’un dictateur soutenu par l’armée et la police ».
Pour la grande majorité des citoyen(ne)s tunisien(ne)s, le 25 juillet 2021 constitue un tournant historique marqué par des manifestations destinées à exprimer le rejet massif du régime politique en place depuis 2011.
Les mesures prises par le président Kais Saied, ce jour-là, constituent une réponse cohérente avec la demande populaire d’arrêt d’une expérience qui, sous couvert de «transition démocratique», institua la mainmise des islamistes et de leurs alliés sur l’économie et les institutions du pays.
Il en est résulté un délitement de l’État, un appauvrissement accru des classes moyennes et populaires, une généralisation de la corruption ainsi que le détournement des fonds publics et des fonds de l’aide internationale au profit des clans maffieux au pouvoir bénéficiant de l’impunité.
En plus, l’épidémie du coronavirus s’est aggravée en entrainant une augmentation des personnes atteintes et/ou décédées au moment où les groupes dirigeants s’adonnaient, sans scrupules, aux joutes parlementaires et à la violence physique et verbale.
Durant la décennie écoulée, les assassinats politiques ont été accompagnés d’un soutien à peine voilé au jihadisme international. Ainsi, des milliers de jeunes tunisiens, victimes de la marginalisation sociale et culturelle se sont déplacés, avec l’aval des islamistes au pouvoir, vers les zones de conflit, en Syrie, en Irak et en Libye. De leur côté, les forces de sécurité ont subi des attaques régulières de la part des terroristes, le long des frontières ainsi que dans les agglomérations urbaines.
En suspendant les travaux de l’Assemblée et en adoptant des mesures exceptionnelles, l’objectif du Président de la République est de mettre fin à la crise politique et de rétablir un Etat de droit dont le pouvoir judiciaire est indépendant et dont les juges ne sont pas à la solde des détenteurs du pouvoir ou des clans mafieux.
La conjoncture particulière que traverse le pays a valu au Président Kais Saied des accusations de «despotisme» au moment où, paradoxalement, ce lynchage médiatique est mené en toute liberté, sans restrictions.
Contrairement à l’image colportée, la Tunisie ne vit guère sous les bottes d’un dictateur soutenu par l’armée et la police. Les reportages, véhiculant cette image de notre pays, traduisent une méconnaissance de la situation ou une volonté de nuire aux aspirations du peuple tunisien consistant à réaliser les objectifs du soulèvement du 14 janvier 2011.
En cette conjoncture historique exceptionnelle, les signataires de la présente déclaration affirment leur attachement au respect des libertés individuelles et publiques, quel que soient le pouvoir et le dirigeant en place.
En raison de l’état déplorable dans lequel les anciens dirigeants ont laissé le pays, nous accordons un préjugé favorable au nouveau gouvernement d’autant plus que, fait inédit dans l’histoire de la Tunisie indépendante, il s’agit d’un gouvernement non-partisan, dirigé par une femme, et tendant vers la parité.
Tout en croyant à la solidarité internationale et à l’apport des intellectuels critiques, nous affirmons notre refus de toute ingérence étrangère et atteinte à la souveraineté nationale.
Nous sommes confiants que le peuple tunisien trouvera les moyens de tracer sa propre voie vers la dignité, la justice et la liberté, en rupture avec les logiques de la domination à l’échelle nationale et internationale.
Liste des signataires :
1 Nabila HAMZA Sociologue, conseillère municipale
2 Sadok BELAID Professeur de droits publics, ancien doyen
3 Slim LAGHMANI Professeur de l’enseignement supérieur
4 Ayda BEN CHAABANE Ancienne présidente de la Coalition pour les Femmes de Tunisie
5 Moncef BEN SLIMANE Universitaire, président de l’association Lam Echaml
6 Mohamed KERROU Universitaire, sociologue
7 Aicha FILALI Universitaire, artiste – plasticienne
8 Hichem BEN AMMAR Cinéaste, ancien directeur de la cinémathèque de Tunis
9 Tahar BEN HASSINE Militant politique, fondateur de la Chaîne Al Hiwar
10 Moncef BEN MRAD Journaliste
11 Sami AOUADI Universitaire, syndicaliste et membre du Conseil National du Dialogue Social
12 Mohamed Lakhdhar ELLALA Président de l’Association des Tunisiens en France
13 Anouar MOALLA Consultant en communication politique
14 Mounira Remadi CHAPOUTOT Universitaire, historienne
15 Houssem HAMMI Coordinateur du réseau Soumoud
16 Youssef SEDDIK Philosophe
17 Abdessattar SAHBANI Universitaire, président de l’association tunisienne de sociologie
18 Bahija OUEZZINI Ancienne détenue politique
19 Abdelekrim ALLAGUI Universitaire, historien, militant des droits humains
20 Brahim LTAIEF Cinéaste et homme des Médias
20 Nabil AZOUZ Militant des droits humains
21 Essedik JEDDI Professeur en psychiatrie
22 Amal FAKHFAKH Universitaire
23 Aziz BASTI Ancien SG du syndicat des pharmaciens et chirurgiens-dentistes
24 Hechmi BEN FREJ Militant des droits humains
25 Samia KAMARATI Experte en sciences de l’information et de la communication
26 Lotfi LARGUET Universitaire, juriste et journaliste
27 Ezzedine MHEDHEBI Avocat
28 Leila Témime BLILI Professeure émérite en histoire
29 Mohamed Ali FARAH Médecin
30 Noureddine BAABOURA Juriste, militant associatif
31 Latifa RIMANI Professeure d’arts plastiques et peintre
32 Moez SAFTA Docteur en art et sciences de l’art
33 Raja LABBENE Professeure en médecine, psychiatre et directrice à l’hôpital Razi
34 Ines HAMMAMI Universitaire
35 Habib BOUASSIDA Ingénieur
36 Mouldi SABRI Avocat
37 Aziz RAZGALLAH Avocat
38 Nabil KALLALA Historien, archéologue
39 Maher HAFFANI Médecin
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