Alors que les cours de l’énergie sur le marché mondial flambent et que l’inflation s’aggrave, faisant peser de sérieuses menaces sur le pouvoir d’achat de ses citoyens, la Tunisie, dont le déficit énergétique continue de se creuser, doit mettre en œuvre en urgence des mesures pour réduire l’intensité carbone de son économie et établir d’ambitieux objectifs d’énergies renouvelables, de manière à réduire sa dépendance par rapport aux carburants importés.
Par Amine Ben Gamra *
Pressions persistantes à la hausse sur l’inflation, risque de spirale prix-salaires, spectre d’un éventuel choc pétrolier… L’aléa de l’inflation constitue l’un des risques majeurs des prochaines années. Et gare à un éventuel choc sur les matières premières, en particulier un choc pétrolier susceptible de concourir à un choc global d’inflation (qui inciterait les banques centrales à durcir leur politique monétaire avec une remontée des taux d’intérêt à la clé), tout en mettant à mal la croissance économique, à l’image de ce qui s’est passé pendant la stagflation (stagnation économique et forte inflation) des années 1970 (émaillées de deux chocs pétroliers).
La Tunisie à la traîne en Afrique du Nord
Une telle menace requiert à n’en pas douter des réformes institutionnelles, d’autant que la crise de 2007 avait déjà impacté les pays non-exportateurs de pétrole de la zone Afrique du Nord (Égypte, Tunisie, Maroc) avec une diminution de la croissance et une détérioration du compte-courant.
Il est grand temps que la Tunisie mette en œuvre des mesures pour réduire l’intensité carbone de son économie et établir des objectifs d’énergies renouvelables, en réévaluant sa stratégie énergétique et accorder en une plus grande place aux filières renouvelables, lesquelles réduiraient sa dépendance par rapport aux carburants importés.
Le potentiel d’énergies renouvelables a commencé à être exploité par plusieurs pays voisins. Grâce à l’expansion rapide de l’éolien, du solaire photovoltaïque et du solaire thermique (IEA, 2020), l’électricité renouvelable en Afrique du Nord a augmenté de plus de 40%, au cours de la dernière décennie. D’ici à 2030, l’Algérie (0,7 GW en 2019), pays producteur et exportateur d’hydrocarbures, espère atteindre 22 gigawatts (GW) d’énergie renouvelable, le Maroc (3,74 GW en 2019) 10 GW, l’Égypte (5,5 GW en 2019 et 54 GW d’ici à 2035). Ce dernier pays a déjà installé plusieurs industries appropriées à la chaîne de valeur de l’industrie solaire photovoltaïque, notamment des usines de fabrication d’acier, de verre et de pompes.
Dynamiser le financement des énergies renouvelables
Les obstacles financiers, tels que la convertibilité des devises, l’inflation et le manque de réserves de change sont aussi des préoccupations pour les investisseurs dans presque tous les pays d’Afrique du Nord. La collaboration des banques demeure indispensable pour épauler et encourager les investisseurs internationaux, et ceci dans le but de diminuer les risques et augmenter la bancabilité des projets à grande échelle.
Parallèlement, un engagement plus élargi des banques commerciales locales s’avère essentiel. En effet, la diversification des modèles et produits de financement et l’accroissement de la capacité des banques commerciales pour financer des projets d’énergie renouvelable est envisageable dans le cadre de cet engagement. Constituer des banques nationales ou régionales d’investissement vert paraît le meilleur moyen pour induire un effet multiplicateur de marché et recourir à des outils permettant la réduction des risques financiers.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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