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Le poème du dimanche :  »Sous le parapluie de Sargon Boulus » de Moncef Al-Ouhaïbi

Ancrée dans la poésie arabe classique et moderne, exigeante, avec sa très belle langue, l’œuvre du poète tunisien, Moncef Louhaïbi / Al-Ouhaïbi est ouverte sur la poésie mondiale contemporaine, couronnée de nombreux succès. Son écriture poétique est un riche dialogue intertextuel permanent, foisonnant de références historiques et culturelles, mêlant intime et collectif, non sans engagement dans l’actualité politique ou sociale. Lui causant parfois de l’adversité de certains courants idéologiques conservateurs.

Né en 1949 à Hajeb el Ayoun (Kairouan), Moncef Louhaïbi est poète, romancier et professeur de littérature arabe. Chroniqueur et collaborateur à divers journaux et revues arabes. Il fait partie de l’école poétique tunisienne de Kairouan, qui regroupe aussi ses contemporains Mohamed Ghozzi, Bechir Kahouagi, Jamila Mejri et autres Houcine Kahouajji.

Parmi ses recueils (en arabe) : Tablettes,1982; Manuscrit de Tombouctou, 1998; Métaphysique de la rose de sable, 1999 ; Diwan al Ouhaibi, 2010; Exercice du vendredi 14 janvier 2011, 2011. Les filles de l’arc-en-ciel, 2015 ; Avec l’avant-dernier verre, 2019.

En français, Que toute chose se taise, choix de textes, Ed. Bruno Doucey, 2012

Tahar Bekri

Ce matin je me suis réveillé,

Les cygnes avalaient la brume sur l’Euphrate

Un crapaud verdissait sur ses rochers

Comme si de rien n’était

Ni cadavre ne flotte ni bateaux n’arrivent

Les Irakiens allaient d’exil en exil

Dans toutes les stations où ils s’arrêtaient

On voyait un homme seul debout sous la pluie

Pendant que le train avançait dans le vacarme

d’avant-midi

J’ai pensé que la vie est lente vraiment

comme un premier pas de danse,

la danse du boléro, que nous sommes entre deux Histoires,

nous naissons par hasard, et nous mourons par hasard aussi,

Peut-être avons-nous poussé, un jour, dans les racines de la chicorée,

Peut-être, dans une heure folle, un jour,

avons-nous surgi dans le violet de ses fleurs

D’habitude il pleut sur Kirkuk à cette heure,

Zarakous égrène son coton.

Je me suis souvenu que « j’ai oublié mon parapluie »

alors que j’allais descendre à la dernière station

Les arbres n’ont répandu qu’un voile bleu planté

à leur pied

Est-ce qu’ils se protègent du soleil avec cette ombre ?

Qu’ont-ils donc préparé pour l’hiver ? Leurs griffes ?

Ces arbres sont noirs comme les Irakiennes à Al-Kadhimiyya

qui avalent leur ombre

(Le secret dans ce vide à la blessure féminine

qui se montre à nous dans l’ouverture triangulaire

dans les pantalons en soie ajourée)

Qui risque de… dans une lumière incertaine

Les irakiens allaient d’exil en exil

Dans toutes les stations où ils s’arrêtaient

On voyait un homme seul debout sous la pluie !

La terre ?

Si ce n’est la blessure, aurait-elle fait pousser toutes ces fleurs ?

Dis merci à cette lumière !

Elle rangeait les choses de Bagdad jusqu’à Khanaqin

avec une plume soyeuse :

Une terre labourée entre les cuisses des collines

qui apprivoisent l’horizon céleste…Le pin qui secoue

au matin sa gelée (Je veux dire la poudre de son verre)

Pendant que la rosée argentée se détachait de ma fenêtre

Pour briller dans leurs bateaux

Ancrés au port

Les Irakiens allaient d’exil en exil

Dans toutes les stations où ils s’arrêtaient

Il y avait un parapluie brisé

Il te faut trouver celui qui l’a déployé

Sinon …

Il te faut trouver la main !

Traduit de l’arabe par Tahar Bekri

Sargon Boulus dont le titre du poème porte le nom est un poète, traducteur et journaliste irakien, né en 1944 à Habbaniyah et décédé en 2007 à Berlin.

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