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Tunisie : La mémoire de Hached va-t-elle réconcilier Saïed et Taboubi ?

Kaïs Saïed a-t-il choisi la célébration du 69e anniversaire de la mort de Farhat Hached, le fondateur de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), ce dimanche 5 décembre 2021, pour reprendre langue, ne fût-ce que symboliquement, avec la centrale syndicale, après une période de «guerre froide» entre le palais de Carthage et la place Mohamed-Ali, siège de la centrale syndicale? Il ne faut pas surinterpréter une rencontre somme toute fortuite…

Par Imed Bahri

Certains seraient tentés de le penser, étant entendu que le président de la république, qui, depuis l’annonce des «mesures exceptionnelles», le 25 juillet dernier, s’était muré dans une solitude politique, coupant les ponts avec tous ses soutiens sur l’échiquier politique national, y compris avec l’UGTT, et qu’à cette occasion, au cours de laquelle il a rencontré, protocole oblige, les responsables syndicaux et à leur tête le secrétaire général de l’organisation, Noureddine Taboubi.

Des retrouvailles «obligées»

Les images diffusées par la présidence de la république ne montrent pas une chaleur particulière dans ces retrouvailles «obligées», car dictées par une circonstance nationale, et le président Kaïs Saïed s’est contenté de saluer tous les présents, sans s’attarder avec aucun d’entre eux, à l’exception peut-être de Noureddine Hached, le fils du leader nationaliste dont on célèbre la mémoire et les autres membres. Il faut dire que la circonstance ne permettait pas un dépassement du strict protocole, mais on peut estimer que l’échange, fusse-t-il court et furtif, entre Saïed et Taboubi, a valeur de «retrouvailles» entre les deux hommes après plusieurs mois de quasi-rupture.

Le dirigeant syndical, qui avait soutenu jusque-là les très controversées «mesures exceptionnelles», a fini, en désespoir de cause, par se ranger lui aussi parmi ceux qui critiquent la non-limitation de cette période d’incertitude par un délai précis et l’absence de vision claire des réformes envisagées par le président Saïed. Ses critiques sont d’ailleurs allées crescendo au point de devenir carrément acerbes au cours des derniers jours, sans que la présidence de la république ne fasse la moindre ouverture ni ne montre une disposition à ouvrir le dialogue avec la centrale syndicale.

C’est donc dans ce contexte délétère où, à la solitude du président et à son refus de tout dialogue avec la classe politique, accusée d’avoir causé la crise actuelle dans le pays, répond une véritable levée de bouclier contre son «autisme politique» et la poursuite de son «cavalier seul», dans un pays au bord de la faillite financière, que les «retrouvailles» entre Saïed et Taboubi ont eu lieu. Annoncent-elles une réconciliation entre la présidence de la république et la centrale syndicale, dans un pays qui a plus que jamais besoin de la conjugaison des efforts de tous ses enfants pour sortir de la crise ?

Une rencontre fortuite.

Revendication de la mémoire des luttes nationales

On peut toujours l’espérer, même si, selon certains analystes, il ne faut pas surinterpréter cette rencontre survenue dans la circonstance particulière d’une célébration nationale. On peut aussi voir dans cette insistance du président Saïed à présider la cérémonie du 69e anniversaire de la mort de Farhat Hached une volonté de ne pas en laisser le monopole à l’UGTT et de revendiquer lui aussi et avec force, en tant que chef de l’Etat, la mémoire des luttes nationales.

Quoi qu’il en soit, que cette rencontre fortuite entre Saïed et Taboubi ait ou non des suites dans les prochains jours, force est de constater que le président de la république, dont la rigidité doctrinale n’a d’égal que l’entêtement narcissique de ne rien lâcher à ses adversaires, ne fut-ce que par calcul tactique, est en train de s’enfermer dans la logique de celui qui a raison contre tous. Une logique suicidaire que conforte à ses yeux une insolente popularité plafonnant à près de 80% et que ne tempère même pas la situation catastrophique où se trouve actuellement le pays et dont il ne semble pas détenir les solutions de sortie.

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