Le président de la république Kaïs Saïed continue de se plaindre de la justice qui, selon lui, rechigne à jouer son rôle dans l’assainissement de la situation politique dans le pays, et ce en jugeant avec la célérité et la rigueur requises les personnes soupçonnées de corruption et autres malversations. Et la justice, à travers le Conseil supérieur de la justice et leurs autres instances représentatives continue, de son côté, de résister aux pressions du chef de l’Etat. En attendant, c’est la Tunisie qui sombre, jour après jour, dans une crise profonde qui risque d’emporter tout ce beau monde.
Par Imed Bahri
En recevant, dans la soirée du lundi 20 décembre 2021, au palais de Carthage, Leila Jaffel, ministre de la Justice, et Taoufik Charfeddine, ministre de l’Intérieur, le Président de la République Kaïs Saïed a rappelé, encore une fois, la nécessité d’appliquer la loi à tous de manière égale et dans un délai raisonnable, comme le stipule l’article 108 de la Constitution, selon un communiqué publié par la présidence de la République.
Les complaintes d’un président au-dessus de la mêlée
Le chef de l’État a aussi rappelé qu’un certain nombre d’affaires ont été déposées et sont restées sans aucune suite juridique, exprimant son profond mécontentement face à l’impunité de certains, alors que l’une des demandes du peuple est une justice équitable sans discrimination entre les citoyens sous aucune justification. Il a également souligné que les personnes qui doivent rendre compte de leurs actes devant la loi ne doivent pas tenter de s’infiltrer dans le palais de justice, par allusion aux dirigeants de certains partis politiques qui sont parvenus à imposer leur contrôle sur le fonctionnement du pouvoir judiciaire.
Le chef de l’Etat, qui aime se mettre au-dessus de la mêlée, a indiqué que l’assainissement du pays exige que tout le monde soit sur un pied d’égalité, et que les affaires ne doivent pas rester ouvertes devant les tribunaux et être reportées d’une session à l’autre durant une période de plus d’une décennie.
Les nuages qui s’amoncellent à l’horizon
Redondantes, insistantes et toujours sans effet, ces complaintes du président deviennent carrément lassantes, car on ne voit pas vraiment à quoi ce malentendu opposant les pouvoirs exécutif et judiciaire va-t-il aboutir, alors que la Tunisie fait face à une crise multiforme, à la fois politique, économique, financière et sociale, et qui menace sérieusement la stabilité d’un pays très mal gouverné, avant les «mesures exceptionnelles» annoncées par le président Saïed, le 25 juillet dernier, comme après, avec un président de la république enfermé dans sa bulle, une cheffe de gouvernement empêtrée dans la gestion des problèmes du quotidien, en donnant l’impression de perdre pied, une scène politique en ébullition mais divisée et inefficace, une économie paralysée par le doute et l’incertitude et une société absorbée par ses soucis, et qui retient son souffle, appréhendant les nuages qui s’amoncellent à l’horizon : mesures d’austérité dont la cheffe de gouvernement parle en aparté sans oser les annoncer publiquement, gel des salaires, hausses des prix, effritement du pouvoir d’achat, pénuries en toutes choses, services publics déficients…
Qui faut-il blâmer ?
Que de joyeusetés à la fois pour finir cette année en beauté et commencer la prochaine sur les chapeaux de roue ! Situation explosive s’il en est, mais qui faut-il blâmer ? «Echaab yourid» (ou le peuple qui veut) qui a tout fait à l’envers depuis 2011 et ne cesse de se mettre le doigt dans l’œil (la démocratie sert aussi à ça: donner des ailes à l’ignorance et à la stupidité)? Le président Saïed qui croit posséder la science infuse, détenir la vérité absolue et incarner le bien pour tous, et ne veut donc rien entendre ? Les élite politiques et économiques dont l’égoïsme n’a d’égal que la cécité morale et l’irresponsabilité intellectuelle ?
La responsabilité dans ce naufrage de toute une nation est partagée et personne ni aucune catégorie sociale ou corporation professionnelle ne peut se défausser de la sienne sur les autres et se cacher derrière son petit doigt.
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