Logés à la même enseigne par le président de la république Kaïs Saïed, qui les snobe et ne semble disposé à discuter qu’avec lui-même, le président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), Samir Majoul, et Noureddine Taboubi, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), sont condamnés à s’entendre sur la démarche à suivre pour dégeler les relations avec le chef de l’Etat et débloquer une situation générale dans le pays devenue intenable, quitte à se faire mutuellement des concessions.
Par Imed Bahri
La rencontre entre les deux hommes, tenue lundi 20 décembre 2021, au siège de la centrale patronale, à Tunis, «a notamment porté sur la situation générale du pays et la contribution des deux organisations au dépassement de la crise économique, sociale et financière que traverse la Tunisie», indique le communiqué officiel publié par l’Utica à l’issue de la rencontre.
«Les deux parties ont également affirmé leur attachement à la paix sociale et à la préservation de la pérennité des institutions, des lieux de travail et du pouvoir d’achat des travailleurs du secteur privé», ajoute le communiqué. Des principes qu’il va falloir traduire en décisions acceptées par les troupes des deux parties, tout en tenant compte de la situation générale très difficile dans le pays, asphyxié par un important déficit des finances publiques, d’intenables pressions sociales et un secteur privé essoufflé et atone, qui a du mal à esquisser une véritable reprise.
Pouvoir d’achat et préservation des entreprises
En d’autres termes, les deux parties, qui ont le dos au mur, sont tenues de faire encore des sacrifices pour permettre de préserver à la fois l’activité économique et la paix sociale, c’est-à-dire les marges des entreprises et le pouvoir d’achat des travailleurs, étant entendu que de nouvelles augmentations salariales, principale revendication des salariés à chaque round de négociation, sont impensables dans l’état actuelle des choses.
La rencontre entre MM. Majoul et Taboubi a eu lieu aussi dans un contexte de dialogue complètement coupé des deux organisations avec le président de la république Kaïs Saïed, qui accapare, depuis le 25 juillet dernier, tous les pouvoirs et ne semble pas disposé à écouter les doléances des deux principaux partenaires sociaux, croyant pouvoir continuer à gouverner par décrets en se passant de tout accord préalable avec l’une ou avec l’autre. Comme un grand…
Mettre fin au cavalier seul du président Saïed
Cette question a sans doute été au centre des discussions entre les deux responsables syndicaux qui ont dû se concerter sur la démarche à suivre pour convaincre le locataire du Palais de Carthage de la nécessité de mettre fin à son cavalier seul aussi injustifiable que suicidaire, d’autant que les deux organisations sont plutôt bien disposées, jusque-là, à son égard et ont évité, jusque-là, de se laisser embarquer dans le cortège de ses opposants dont les voix sont de plus en plus audibles. Même si, contrairement à M. Majoul, peu loquace ces derniers temps, comme pour ne pas ajouter de la friture sur la ligne, M. Taboubi, qui s’impatiente et a de plus en plus mal à contenir sa colère, a multiplié les piques contre le président Saïed, tout en réservant quelques autres piques pour ses opposants, question de maintenir l’équilibre et de ne pas totalement couper les amarres et laisser la porte entrouverte pour une reprise des contacts avec le palais de Carthage. Sait-on jamais ?
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