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La Tunisie doit méditer la leçon polonaise

La Pologne, accusé d’atteinte aux droits de l’hommes et aux principes démocratiques, pourrait perdre des centaines de milliards d’euros que lui destinait l’Union européenne (UE). Cela mérite d’être médité par les autorités tunisiennes, qui font face aux mêmes accusations par Bruxelles.

Par Habib Glenza *

L’UE affirme avoir un problème depuis des années avec la Pologne sur la manière dont le parti majoritaire PiS (Droit et Justice) veut réformer son système judiciaire, portant atteinte à l’indépendance de la justice. La Commission européenne a introduit de nombreuses actions devant sa Cour de justice, qui ont abouti à une première condamnation sur le fond, avec la demande de suppression de la chambre disciplinaire, le 14 juillet 2021 dernier.

Comme le gouvernement polonais ne semble pas prêt à obtempérer, l’UE a décidé de bloquer les fonds qui lui sont accordés.

Une crise juridique majeure en Europe

L’UE estime qu’il y a un risque clair de violation grave de l’État de droit en Pologne, après les déclarations du chef du gouvernement, le 7 octobre 2021, devant la Cour constitutionnelle polonaise. Mateusz Morawiecki a affirmé que «le droit national et au dessus du droit européen», dénonçant «l’ingérence de la Cour de justice de l’UE dans le système juridique polonais». La présidente du Tribunal constitutionnel polonais, Julia Przylebska, a estimé que la Pologne ne pouvait pas fonctionner comme un Etat «souverain et démocratique» si l’UE avait son mot à dire dans ses affaires intérieures

Dès 2017, les tensions entre les deux parties avaient déjà atteint un sommet, avec l’activation, par l’UE, de l’article 7 du traité de l’Union. C’est la procédure la plus radicale prévue par les textes au cas où un Etat membre bafouerait les règles européennes. C’était la première fois de son histoire que l’Union déclenchait cette procédure. Pour l’UE, ne plus reconnaître le caractère contraignant de l’UE, c’est finalement ne plus la reconnaître.

Le 15 juillet 2021, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé non conforme une réforme du système judiciaire polonais, instaurant un nouveau système de sanctions disciplinaires contre ses juges. Pour la CJUE, cette réforme «ne fournit pas toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance du système».

Versement des subventions et respect de l’Etat de droit

Le mercredi 16 février 2022, la Cour constitutionnelle de l’UE a rejeté les demandes de la Pologne (et de la Hongrie subissant le même sort et pour des raisons similaires) concernant le blocage des subventions, en les conditionnant au mécanisme appelé «l’argent, pour l’Etat de droit».

Par conséquent, la Pologne doit se plier aux exigences de l’UE sur la liberté de la justice conformément aux directives européennes; autrement elle risque de perdre 171 milliards d’euros et sa place en tant que membre de cette Union.

Suite à ce blocage, les Polonais réclament, aujourd’hui, le départ du gouvernement dont la majorité des membres appartiennent au parti de droite Droit et Justice, en dépit des sondages qui le placent en tête de tous les partis polonais!

On rappelle ces faits de grande actualité pour dire qu’il serait utopique pour la Tunisie, qui n’est qu’un pays partenaire de l’UE, de compter sur l’aide de cet ensemble régional qui n’a pas hésité à sanctionner deux de ses pays membres, la Pologne et la Hongrie, pour atteinte à l’indépendance de la justice. Et au moment où Bruxelles exprime de sérieuses réserves sur les atteintes aux règles démocratiques en Tunisie, imputées au président de la république Kaïs Saïed, qui a détricoté toute l’architecture constitutionnelle et institutionnelle construite en Tunisie après la révolution du 14 janvier 2011, et où des menaces de suspension de l’aide financière de l’UE à la Tunisie ont même été exprimées publiquement, le locataire du palais de Carthage doit réagir promptement et essayer d’expliquer le sens et le but de certaines de ses décisions, difficilement acceptables de l’autre côté de la Méditerranée, notamment celles relatives au gel de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et à la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), et ne pas attendre que le ciel lui tombe sur la tête.

* Conseiller à l’exportation agréé par le ministère tunisien du Commerce.

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