Le président de la république Kaïs Saïed ne pardonne pas au chef islamiste Rached Ghannouchi de mener une fronde contre lui et d’organiser des réunions dont le but est de le faire destituer. Mais ira-t-il jusqu’à faire comparaître les comploteurs et leur chef devant… une cour martiale ?
Par Rachid Barnat
Kaïs Saïed ayant gelé les travaux du parlement depuis le 25 juillet dernier, Rached Ghannouchi, son président, a organisé secrètement une réunion avec des députés comme pour narguer le président de la république. Ce que ce dernier considère comme un complot contre la sûreté de l’Etat. Et comme tel, il veut punir ses auteurs qui seront jugés (serait-ce devant une cour martiale ?) et probablement condamnés à l’inéligibilité pour les prochaines élections.
Lorsque Aljazeera donne des leçons de démocratie aux Tunisiens
Aljazeera TV, la voix de l’émir du Qatar et instrument de propagande au service de ses agents et obligés dans le monde arabo-islmaique, les membres de la confrérie des Frères musulmans, dont les dirigeants d’Ennahdha en Tunisie, s’est saisie de cette «affaire» pour dénoncer les dérives dictatoriales de Kaïs Saïed et rappeler, au passage, au cas ou on les aurait oubliées, ce que sont les règles démocratiques et le respect de la constitution.
Curieux ce média et curieux sont ses journalistes qui osent donner des leçons de démocratie aux Tunisiens, alors que le Qatar, qui le finance, n’a toujours pas de constitution et son régime est une monarchie absolue et totalitaire où aucune critique n’est tolérée; ce qui ne semble nullement déranger ces journalistes, qui ne parlent presque jamais de ce qui se passe au Qatar, où se trouve leurs bureaux.
Non seulement ces journalistes furent la voix de leur maître, l’émir du Qatar, pour le déclenchement du fumeux «printemps arabe» et de la première révolution arabe qu’ils ont baptisée «révolution du jasmin» comme pour mieux narguer les Tunisiens, pour installer au pouvoir à Tunis le protégé de l’émirat gasier, Rached Ghannouchi et son parti Ennahdha. Faut-il s’étonner qu’ils soient resté depuis derrière le dirigeant islamiste tunisien et qu’ils cherchent aujourd’hui à l’installer de nouveau sur le perchoir duquel Kaïs Saïed l’a éjecté… C’est presque fait avec la réunion de cette semaine qui a mis le président de la république dans une grande colère. C’est l’énième coup d’Etat des Frères musulmans perpétré cette semaine avec l’aide d’une poignée de larbins issus d’autres mouvances politiques.
Kaïs Saïed sera-t-il cette fois-ci plus cohérent qu’il ne l’était jusque-là, pour aller jusqu’au bout de sa décision de faire juger les putschistes et de les mettre hors d’état de nuire, de manière définitive cette fois ? Car si on retient contre eux l’accusation de haute trahison et d’atteinte à l’unité de l’Etat, dont ne cesse de de gargariser M. Saïed, les complotistes sont passibles de la cour martiale, voire de peine de mort.
Ouvrira-t-il, par la même occasion et tant qu’il y est, les dossiers concernant les financements occultes d’Ennahdha, notamment par le Qatar, qui, en soi, constitue une ingérence de l’émirat gazier dans les affaires de la Tunisie et, par conséquent, entraîne l’interdiction de ce parti, en plus des sanctions judiciaires encourues par ses responsables ?
Cou de pied dans le fourmilière ou coup d’épée dans l’eau ?
Dans sa guerre contre Ghannouchi, Saïed peut aussi demander à la justice d’enquêter sur la fortune personnelle de son adversaire et celles des membres du bureau politique d’Ennahdha : puisqu’il n’est plus de secret pour personne que ces mercenaires sont financés de l’étranger et qu’ils ont ruiné la Tunisie, devenue leur butin de guerre et qu’ils ont razziée méthodiquement depuis 2011.
Saïed démantèlera-t-il les réseaux caritatifs mis en place par Ghannouchi et l’émir du Qatar pour le financement occulte de la myriade d’associations au service du mouvement islamiste tunisien, qui recrutent les jihadistes, les forment et financent le jihadisme et les armes qui circulent dans le pays pour terroriser les Tunisiens?
S’il est conséquent avec lui-même, Saïed devra fermer les bureaux tunisiens de l’Union internationale des oulémas musulmans de Youssef Qaradaoui que finance l’émir du Qatar et dont on sait qu’ils recrutent et forment les futurs jihadistes-terroristes-mercenaires de l’internationale islamiste.
Sans parler des dossiers concernant la corruption et les crimes commis par Ghannouchi et ses «Frères» qui sont toujours sous le boisseau…
Alors, monsieur le président, irez-vous jusqu’au bout pour débarrasser la Tunisie de l’islam politique et de ses représentant en Tunisie, comme vous l’avez laissé croire aux Tunisiens un certain 25 juillet 2021?
Jusque-là, les Tunisiens voyaient en Saïed un président timoré, qui semble obnubilé uniquement par ses règlements de comptes avec Ghannouchi avec lequel il n’a pas fini de croiser les fers.
On verra cette fois-ci, s’il est sérieux et désireux d’en finir avec l’islamisme en Tunisie ou s’il s’agit d’un simple coup d’épée dans l’eau, comme tant d’autres depuis son acession à la présidence en 2019. Son ton martial devant les membres du Conseil de sécurité nationale plaide pour une action forte de la part du chef suprême des armées. Mais il nous avait tant de fois déçus auparavant, qu’on n’ose même plus le croire.
Affaire à suivre…
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