Quand les Américains oublient leurs crimes

Si l’Occident découvre aujourd’hui avec horreur les atrocités insupportables de la guerre qui se déroule cette fois à ses portes, en Ukraine, cela est de sa propre faute et le reste du monde n’y est pour rien. Certes, le bilan de cette guerre est terrible et désastreux et l’émotion est immense de voir tomber plein de victimes civiles sous les bombes, femmes, enfants et vieux qui n’ont rien demandé. Mais ce qui choque aussi, c’est la bonne conscience qu’affiche l’Occident avec à sa tête les Etats-Unis, qui croient pouvoir nous faire oublier leurs propres crimes, tout aussi atroces et tout aussi documentés.

Par Dr Abderrahmane Cherfouh *

Les États-Unis sont prêts à remuer ciel et terre pour faire gagner l’Ukraine, a affirmé le secrétaire américain à la Défense lors de la réunion des pays de l’Otan tenue le 26 avril 2022 en Allemagne. Cette déclaration a vite fait les manchettes et l’imminence d’une guerre totale entre l’Otan et la Russie n’est pas à écarter. À lire les commentaires de la presse et les déclarations hostiles qui se succèdent et se multiplient à un rythme effréné entre les deux camps, il est difficile de garder son optimisme.

Et la question que l’on doit se poser est la suivante : sommes-nous à la porte d’une troisième guerre mondiale? À nouveau, la psychose règne dans nos esprits au sujet d’une éventuelle Troisième guerre mondiale qui sera certainement nucléaire et dont l’issue sera fatalement apocalyptique.

Eviter l’inévitable

En cette période de tension exacerbée qui a atteint un niveau jamais égalé depuis la fin de la guerre froide, certains craignent une escalade du conflit et envisagent sérieusement une confrontation directe entre les pays de l’Otan et la Russie.

L’inquiétude commence à gagner du terrain partout aux quatre coins du globe. Pour ne pas être en reste, la Russie n’a pas tardé à faire une mise en garde «contre un danger réel d’une Troisième guerre mondiale». Si cette guerre avait eu lieu, elle sera certainement différente des autres dans le sens ou on va avoir recours inéluctablement à l’utilisation de l’arme nucléaire.

Même, si ces prévisions sont destinées à sonner l’alarme, tout peut arriver, les risques sont énormes et ne doivent pas être prises à la légère. On peut envisager le pire et ce n’est certainement pas une blague ni une plaisanterie car ça devient de plus en plus possible d’aboutir à l’inévitable et ce sera malheureusement trop tard. Dans ce monde gouverné par des fous qui se soucient peu de l’avenir du monde, une petite étincelle, une gaffe, un geste anodin et malheureux et l’incroyable se produira.

Depuis quelques semaines, les divergences entre les pays de l’Otan à leur tête les États-Unis et la Russie ne font que s’amplifier et le soutien quasi indéfectible et l’armement dont bénéficie l’Ukraine de la part des Occidentaux semblent les avoir attisées. La tension a atteint son paroxysme lorsque les Américains et leurs alliés ont décidé d’accorder une aide substantielle à l’Ukraine en armement et en équipement et de provoqué une réunion spécialement pour débattre de la conduite à tenir face à la Russie et comment aider l’Ukraine à «gagner la guerre».

Cette possible confrontation entre les deux ennemis historiques crée la controverse et divise le monde en deux camps. Celui qui pense que la guerre est inévitable et que l’Otan doit en découdre avec la Russie pour lui rendre la monnaie de sa pièce et venger l’intervention russe en Ukraine et celui qui pense le contraire.

Pour le premier camp, il ne faut pas reculer, peu importe les conséquences, peu importe le prix que cela va coûter. Car tout recul pourrait encourager la Russie à poursuivre son agression.

Pour le second camp, si une guerre éclatait, le bilan sera apocalyptique, il y aurait  des centaines de millions de morts, les dommages collatéraux seront immenses, et la planète terre en souffrira et mettra de longs siècles à s’en remettre.

La guerre médiatique à son paroxysme

L’attitude d’une partialité affligeante, non objective, proprement provocatrice,de la politique des Etats-Unis envers la Russie, relayée par la totalité des pays de l’Otan et autres alliés à travers une propagande et une manipulation de l’information pratiquée à outrance et à grande échelle dans le but de tromper la population et l’opinion publique, à commencer par ce paradoxe qui consiste à dire une chose et à pratiquer son contraire, ne doit passer sous silence et doit être dénoncée.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, on assiste à une vague sans précédent de désinformation et de manipulation, un phénomène planétaire qui n’épargne aucun secteur et qui circule dangereusement à travers plusieurs supports médiatiques utilisés comme instruments pour servir leur cause.

Dans les pays occidentaux se voulant les parangons de la démocratie, l’information est déformée ou cachée en fonction des médias qui la diffusent et qui la présentent ce qui ne les empêche pas de prôner la liberté d’information et les droits de l’homme.

Un peu comme si la liberté ne pouvait être vue que par un œil américain ou européen; un peu comme si la démocratie et la liberté ne pouvaient venir que de l’Occident et comme si les autres pays comme la Russie ne pouvaient donner naissance qu’à des dictatures militaires. Par exemple, soutenir les exactions des partis de l’extrême droite qui sévissent en Ukraine n’est pas immoral à leurs yeux?

Les Etats-Unis dictent leur loi

L’Occident, qui se croit si libre, devrait commencer par faire son autocritique avant de juger les autres. On accuse la Russie d’avoir attaqué l’Ukraine alors qu’on oublie que les États-Unis, loin de rechercher une gestion juste sans parti-pris pour apaiser les esprits, préfèrent jouer les pyromanes et mettre de l’huile sur le feu pour déstabiliser la Russie et durer cette guerre.

Par ailleurs, la collusion entre l’Otan, l’Ukraine et l’extrême droite constituée de groupuscules néo-nazis tel que le bataillon Azov est un sujet d’une grande gravité redevenu très préoccupant et dangereux pour l’humanité. Cette impunité dont jouissent les États-Unis et la généralisation outrageante de leur politique hégémoniste et dominatrice à travers le monde, ce silence devant ce pays super armé et arrogant, cette compétition sans limite entre nations dites civilisées sont des signes inquiétants et dangereux pour toute l’humanité et doivent être dénoncés .Conscient de l’impunité totale, les États-Unis continueront à défier le monde et à multiplier partout à travers la planète les actes les plus intolérables par leur horreur et leur barbarie.

Ceci dit, les repères se brouillent tellement qu’on assiste sidéré à des déclarations qui, dans certaines bouches, en disent long sur la haine que voue l’Occident à la Russie. Je parle des déclarations comme celle de Bruno Le Maire : «Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie.» Et le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance de la France d’assurer que les sanctions contre la Russie vont toucher le régime en plein cœur. «Le peuple russe en paiera aussi les conséquences», dit-il. Ce qui veut dire tout simplement appauvrir la population russe et l’affamer. Une déclaration excessive et irresponsable venant de la part d’un ministre qui se veut démocrate et républicain.

La possible Troisième guerre mondiale a révélé au grand jour certains va t’en guerre qui, cachés derrière l’écran de leur ordinateur, tiennent des propos belliqueux, ne mesurant pas l’ampleur des dégâts que cela pourra occasionner et oubliant que le monde pleure en silence et souffre le martyre.

L’œuvre de destruction massive subie sous le règne de la puissance américaine est bien étalée sur les pages de Wikipédia et elle est plus fiable que Joe Biden quand il a parlé de «génocide» commis par les Russes en Ukraine. La liste sur Wikipédia est longue et plus complète que celle de tous les discours sur les actions qu’ils ont menées à travers le monde depuis les années 1950, illustrées par des millions de victimes, de scènes émouvantes, de tragédies, d’images traumatisantes et de désolation.

Le monde dit civilisé et démocratique a subi combien de procès et de sanctions pour toutes ces interventions illégales? Qui est derrière la partition de la Corée, du Vietnam, de la Chine, et de la Libye peut être? Qui a encouragé le dictateur Saddam Hussein à faire la guerre à l’Iran lui faisant miroiter une victoire facile et certaine? Qui a poussé ce même Saddam Hussein à occuper le Koweït pour finir par lui déclarer la guerre et le vouer aux gémonies? Qui arme l’Arabie Saoudite pour bombarder les populations civiles au Yémen? On bombarde des civils mais on jure le faire pour la meilleure des causes: ils justifient ces actes barbares par la défense de la démocratie et les droits de l’homme. Qu’ils fassent preuve d’honnêteté et finissent par avouer qui sont les vrais ennemis de la liberté et de l’humanité. Conscients de leur puissance et de leur force, les Etats-Unis continueront à bénéficier de l’impunité totale. Bien-entendu, personne n’oserait traduire les dirigeants américains devant les tribunaux pour crimes contre l’humanité.

Crime d’aujourd’hui et crimes d’hier

Et si le monde occidental découvre aujourd’hui avec horreur les atrocités insupportables de la guerre qui se déroule cette fois en Europe, ce n’est pas la faute au reste du monde.

Certes, le bilan de cette guerre est terrible et désastreux, des milliers de morts, des cadavres jonchant les rues, des explosions partout, des façades d’immeubles qui volent en éclats, des murs éventrés, des témoignages effroyables se multiplient sur les réseaux sociaux et les médias qui diffusent cette tragédie en direct. L’émotion est immense de voir tomber plein de victimes civiles sous les bombes, femmes, enfants et vieux qui n’ont rien demandé.

Personne ne peut rester insensible face à cette tragédie. Les conflits armés ont toujours généré des malheurs, des massacres, des boucheries, des millions de réfugiés, des pertes humaines, des orphelins, des handicapés à vie, des déplacements, des déracinés.

Par-delà la légitime compassion à l’égard de toutes les victimes qu’elles soient civiles ou militaires en Ukraine, cette guerre nous a fait ressurgir un passé sanglant qui nous rappelle les crimes les plus horribles et les plus abjects commis sur des victimes innocentes au Vietnam, en Palestine, en Afghanistan, à Srebrenica, en Irak, au Yémen, en Libye, et partout aux quatre coins du globe, et qui ne sont pas attribuables aux agresseurs actuels de l’Ukraine.

Une page noire de l’histoire de l’humanité a été écrite avec le sang de ces millions de victimes par les mains de leurs bourreaux et qui restera à jamais gravée dans nos mémoires pour l’éternité. Et ce n’est pas encore fini, le cauchemar continue parce que même de nos jours le génocide reconnu formellement des Rohingyas en Birmanie et celui des Ouighours en Chine se passent sous silence dans l’indifférence générale.

* Médecin algérien résidant au Canada.

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