La rencontre d’avant-hier soir, mercredi 4 mai 2022, dans la capitale espagnole, entre le Real Madrid et Manchester City, a certainement laissé un goût amer chez quelques amateurs du ballon rond. A Madrid, en match retour d’une partie aller épique, les champions d’Angleterre étaient qualifiés en encaissant un but à la 89e minute, jusqu’à la 93e minute, et pourtant c’est le champion d’Espagne qui s’est finalement imposé après prolongations. Le hasard seul n’explique pas cette victoire sur le fil d’Ancelotti sur Guardiola.
Par Dr Mounir Hanablia *
Pourquoi Napoléon a t il été battu à Waterloo? Pourquoi Hannibal l’a-t-il été à Zama? Les historiens et les militaires ont inlassablement glosé sur le sujet et ne sont sans doute pas prêts de s’arrêter. Le football n’est pas la guerre. Et pourtant certains matchs qui sont entrés dans la postérité soulèveront toujours des questions comparables. Pourquoi l’équipe nationale de Hollande de 1974 n’a-t-elle pas remporté la finale de la Coupe du Monde face à l’Allemagne fédérale? Pourquoi l’Allemagne fédérale en 1970 avait-elle été battue lors de la fameuse demi-finale contre l’Italie? Pourquoi la Hongrie de Puskas le fut-elle en 1954? En général quand il s’agit d’équipes dont on estime la supériorité évidente et qui ratent une consécration se situant dans une large mesure dans l’ordre normal des choses, ces échecs soulèvent des regrets.
La rencontre d’avant-hier soir, mercredi 4 mai 2022, dans la capitale espagnole, entre le Real Madrid et Manchester City, a certainement laissé un goût amer chez quelques amateurs du ballon rond. Les champions d’Angleterre dirigés par le meilleur entraîneur du monde dominent depuis plusieurs saisons le championnat de leur pays sans arriver à s’approprier le joyau de la Couronne, l’European Champion’s League. A Madrid, en match retour d’une partie aller épique, ils étaient qualifiés en encaissant un but à la 89e minute, jusqu’à la 93e minute, et pourtant c’est le champion d’Espagne qui s’est finalement imposé après prolongations, éliminant ses adversaires.
Laisser à la chance sa part
Prétendre que le Real méritait sa victoire ne serait que prendre acte de sa réalité. Les Mancuniens ont encore une fois mieux fait circuler le ballon et se sont créés des occasions au moins aussi nombreuses que celles de leurs adversaires. Le Real privé du ballon était alors à l’agonie et personne ne lui donnait la moindre chance, le stade commençait à se vider. Et puis deux centres venus de la droite effectués par deux défenseurs madrilènes se sont transformés en buts dont l’un après une remise décisive devant les buts de Benzema. Et l’affaire fut conclue à la 5e minute de la prolongation grâce à un penalty obtenu et transformé par l’inoxydable Benzema.
Le Real ayant acquis l’habitude cette saison de renverser un cours défavorable des évènements en fin de partie à trois reprises contre les plus grands clubs, imputer sa victoire d’avant-hier au seul hasard serait se priver d’une explication rationnelle qui ignorerait peut être une évolution importante du football.
Michels et ses élèves Cruyff et Rijkaard avaient annoncé l’avènement de Guardiola, dont le football tic-tac allait propulser le FC Barcelone aux plus hauts sommets. Depuis le passage de Guardiola en Allemagne puis en Angleterre, le monde entier a adopté son style de jeu, qui consiste à priver l’adversaire du ballon et à le presser dans son propre camp dès que celui-ci en prend possession. Mais Guardiola avait dans son équipe Chavi, Iniesta, et surtout Leo Messi. Ancelotti, l’entraîneur du Real, le tombeur de Guardiola, a-t-il découvert un nouveau filon du football que nul avant lui n’avait exploré? Il faut peut être relativiser cette victoire en laissant à la chance sa part.
Le banc des remplaçants de Guardiola
Lors du match aller il y avait eu deux tirs sur le poteau de Riyad Mahrez et un penalty pour une faute de main involontaire du défenseur Laporte, sans compter que l’équipe étant privée de Kyle Walker, personne n’avait eu les jambes nécessaires pour empêcher le lévrier brésilien Vinicius de traverser seul la moitié du terrain pour aller battre le gardien mancunien, après une remise en touche.
Au match retour, Vinicius avait été neutralisé par Kyle Walker qui ne le lui a en rien cédé en terme de vitesse. Mais le gardien madrilène Thibaud Courtois a annihilé trois occasions de buts dans les cinq dernières minutes si on considère que son intervention a obligé le remplaçant Jack Greelich à trop croiser son tir pour rater le cadre une première fois, et l’a empêché de conclure en détournant de justesse il est vrai son tir une seconde fois.
Si Greelich, la super vedette, a été le transfert le plus coûteux de l’histoire du foot anglais et l’un des flops les plus monumentaux de la carrière d’entraîneur de Guardiola puisqu’il a passé la plus grande partie de son temps sur le banc des remplaçants, il faudrait néanmoins constater qu’à deux reprises il s’est présenté près du cadre dans une position fortement décalée sur le côté gauche avec au moment du tir un angle naturellement réduit et qui l’a été encore plus par l’intervention du gardien du Real. Greelich n’était manifestement pas en confiance pour marquer et qui plus est il n’a trouvé aucun partenaire pour pousser le ballon qui à deux reprises croisait devant le but. Mais c’est sans doute là une des explications de la défaite: Manchester City a pris l’habitude d’évoluer avec deux ailiers, mais sans avant-centre, et c’est De Bruyne, l’homme à tout faire, qui en faisait souvent office, et parfois Bernardo Silva. Mais De Bruyne avait été agressé par Casimiro sans que l’arbitre ne réagisse et depuis lors il avait perdu son rayonnement habituel au point d’être remplacé, et Bernardo Silva avec toute son activité aux quatre coins du terrain avait quand même eu le mérite de la passe décisive sur le but de son équipe.
Le secret d’Ancelotti
En face, Ancelotti jouant le tout pour le tout, avait remplacé tout son milieu de terrain d’un coup et lancé dans le jeu le remplaçant Rodrygo. Par deux fois, il s’est retrouvé en face du but mancunien pour marquer, sur deux centres venus de la gauche, Qu’à quelques minutes du coup de sifflet final deux défenseurs du Real aient trouvé toute latitude pour délivrer deux centres décisifs soulève quand même quelques questions sur la fraîcheur physique en fin du match des joueurs du club anglais.
Quant au penalty du Real, il faut se souvenir qu’il avait été précédé par une chevauchée impressionnante de l’un des remplaçants au nom africain imprononçable. En fin de compte, il semble que le secret d’Ancelotti soit de disposer du banc de remplaçants nécessaires qui font la différence au moment où l’adversaire flanche physiquement et perd sa lucidité. Guardiola ne disposait pas de remplaçants comparables parce que son équipe avait l’habitude de vaincre sans avoir recours aux prolongations. Néanmoins, il y avait plus de probabilités de voir Manchester City, toujours en course pour le titre, plier, le championnat anglais étant beaucoup plus dur, alors que le Real a remporté le championnat espagnol 4 semaines avant la fin.
Un coup de pouce arbitral
Mis à part cela, il faut prendre en compte l’avantage indiscutable dont a bénéficié le club espagnol en recevant trois fois de suite dans son stade du Santiago Bernabeu lors du match retour. Tout compte fait une finale entre le Real et Liverpool est sportivement la plus intéressante, et pour l’UEFA sans doute aussi financièrement, même si le club espagnol semble bien armé pour ajouter une nouvelle couronne à un palmarès déjà bien rempli.
Cependant, on ne peut pas s’empêcher de penser que dans des parties où le résultat tienne à peu de choses, le Real, mené 3-1 au match aller face à une équipe disposant d’un fond de jeu supérieur et parfois malchanceuse, a bénéficié d’un coup de pouce arbitral décisif, lors de la fameuse remise en jeu qui à Manchester a entraîné le but de Vinicius, puis à Madrid quand Casimiro n’a même pas été averti pour des actes antisportifs qui auraient même pu lui valoir l’expulsion. Et si le Real a eu le privilège d’accueillir ses adversaires lors des trois derniers match-retour, on ne peut qualifier cela que de complaisance manifeste. Mais il y a longtemps que le football est devenu ainsi, assujetti aux intérêts extra sportifs.
* Médecin de pratique libre.
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