Tunisie : Kaïs Saïed doit prendre ses distances vis-à-vis d’Abdelbari Atwan

Le président de la république Kaïs Saïed, un nationaliste arabe notoire, prête trop l’oreille à un très mauvais analyste politique, le Palestinien Abdelbari Atwan, nationaliste arabe lui aussi dont les positions à l’emporte-pièce n’ont pas beaucoup aidé à libérer la Palestine, au contraire.

Par Imed Bahri

L’ancien directeur d’Al-Quds Al-Araby a rencontré le président Saïed en tête-à-tête, le 28 juillet dernier. On ne sait pas ce qui s’est dit entre le chef d’Etat tunisien et cet anti-américain notoire dont la proximité avec Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi et Zine El-Abidine Ben Ali n’avait pas été bénéfique pour ces dictateurs.

On sait, cependant, que le lendemain de cette rencontre, le 29 juillet, M. Saïed donnait instruction à son ministre des Affaires étrangères, Othman Jerandi, de convoquer la chargée d’affaires des Etats-Unis Natasha Franceschi, pour lui transmettre l’étonnement de la Tunisie après le communiqué publié par le secrétaire d’Etat américain concernant le processus politique en Tunisie et les déclarations inacceptables de l’ambassadeur désigné à Tunis devant le Congrès américain, y voyant «une ingérence inacceptable dans les affaires intérieures» de la Tunisie.

Atwan fait de la Tunisie une affaire personnelle

On ne peut certes pas établir un lien direct entre la rencontre entre MM. Saïed et Atwan et celle, deux jours plus tard, entre M. Jerandi et Mme Franceschi, mais leur succession laisse tout de même perplexe, d’autant que le raidissement diplomatique enregistré à cette occasion a fait entrer la Tunisie dans un processus risqué et dont les conséquences peuvent être lourdes. Ce que viennent d’ailleurs de confirmer les déclarations faites hier, mardi 9 août, par le secrétaire d’État américain à la Défense, Lloyd Austin, sur la situation en Tunisie, où, a-t-il dit, le rêve d’un gouvernement démocratique est en danger.

On ne sait pas si le président Saïed va de nouveau sur-réagir à ces déclarations ni s’il va encore monter au créneau pour crier à l’ingérence et agiter le slogan de la souveraineté nationale bafouée.

On sait, cependant, que M. Atwan qui considère la Tunisie comme une affaire personnelle (sans ingérence aucune dans ses affaires ni atteinte à sa souveraineté), s’est aussitôt fendu d’un post sur son compte Twitter pour tenter de remonter le président Saïed contre les Etats-Unis.

Voici ce que le journaliste palestinien, dont M. Saïed, grand admirateur de Gamal Abdennaser, veut faire son Mohamed Hassanine Heykal, a écrit : «Que signifie que le ministre de la Défense américain offense le président tunisien et critique les dernières mesures qu’il a prises ? Est-ce qu’il considère la Tunisie comme un Etat américain ? Que le ministre nous parle de la démocratie chez les alliés arabes et non-arabes de son pays, ainsi que de ses massacres en Irak ! Qu’il nous dise aussi si Saïed avait normalisé (les relations de la Tunisie avec Israël, Ndlr) aurait droit à cette offense et est-ce qu’on peut craindre une invasion américaine (de la Tunisie, Ndlr) ?».

L’inexplicable notoriété d’un agitateur politique jusqu’au-boutiste

Au-delà de la valeur des arguments défendus ici par M. Atwan, de leur justesse ou de leur démagogie, ce qui doit nous irriter en tant que Tunisiens c’est la notoriété dont bénéficie cet agitateur politique jusqu’au-boutiste auprès de la plus haute autorité de l’Etat dans notre pays.

On espère aussi que les arguments développés par M. Atwan dans son post Twitter ne seront pas repris, dans les jours à venir, par quelque haut responsable tunisien ou par les pages animées par les partisans du président Kaïs Saïed dans les réseaux sociaux et qui, souvent, font feu de tout bois et rivalisent d’extrémisme pour, croient-ils, défendre les choix du président, auquel elles nuisent davantage que les critiques, souvent objectives et mesurées, de ses adversaires.  

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