Les médias ne savent pas encore comment procéder pour couvrir la campagne électorale pour les législatives du 17 décembre 2022, qui se présentent sous de nouvelles règles non encore comprises ni élucidées par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), en charge de l’organisation de ce scrutin, ce qui ajoute aux conditions chaotiques dans lesquelles va se dérouler ce très controversé scrutin. (Illustration : Nouri Lajmi et ses collègues de la Haica sont complètement largués par le pouvoir exécutif).
Par Imed Bahri
Les médias doivent-ils donner la parole aux partis politiques, dont la nature de la participation n’est pas encore clairement déterminée ?
La candidature étant individuelle, eu égard le nouveau mode de scrutin uninominal à deux tours adopté, les candidats peuvent-ils présenter les visions et les programmes de leurs partis, s’ils en ont, ou doivent-ils seulement parler de leurs projets pour les localités qu’ils représentent ?
Les dirigeants des partis peuvent-ils, de leur côté, soutenir ou accompagner leurs candidats pendant ladite campagne ?
Un «one man show» de Kaïs Saïed
Et les partis qui boycottent les élections et qui appellent même les citoyens à ne pas y participer – et ils sont plus nombreux que ceux qui y participent – seront-ils carrément interdits de faire campagne, comme cela a été le cas lors de la campagne pour le référendum constitutionnel du 25 juillet dernier, ce qui serait une monumentale aberration que l’Isie ne saurait avaliser sans perdre ce qui lui reste encore de crédibilité ou de semblant d’indépendance et transformerait les prochaines législatives en un «one man show» de Kaïs Saïed ?
A toutes ces questions, et à d’autres que se posent les médias, il n’y a pas encore de réponses claires et les rares interventions des responsables de l’Isie à ce sujet sont vagues, confuses, voire parfois contradictoires, ce qui ajoute aux conditions pour le moins chaotiques dans lesquelles vont se dérouler les prochaines législatives.
Pour ne rien arranger, Hichem Snoussi, membre du bureau de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), a déclaré, mercredi 19 octobre, à l’agence Tap, qu’il n’y a eu jusque-là aucun contact entre la Haica et l’Isie sur la couverture médiatique de la campagne des législatives, en rappelant l’importance d’une telle réunion entre les deux commissions avant le début des campagnes électorales pour clarifier les règles du traitement médiatique, en tenant compte des nouveaux éléments introduits par la nouvelle constitution, promulguée le 25 juillet et la nouvelle loi électorale, promulguée le 15 septembre.
Hichem Snoussi a aussi déploré l’absence de toute communication de la Haica avec le gouvernement, en critiquant la négligence du rôle de l’organisme de régulation sur les questions qui préoccupent le secteur des médias. En effet, le gouvernement gère les dossiers des médias comme s’il n’y avait pas d’autorité chargée de réglementer le secteur audiovisuel, a-t-il dénoncé.
Mépris total pour l’idée même;d’autorégulation des médias
Cependant, ce que le membre de la Haica ne dit pas, c’est que cet empiètement des autorités sur les prérogatives de l’instance de régulation audiovisuelle n’a qu’une seule signification, c’est que le nouveau pouvoir personnel instauré par le président de la république Kaïs Saïed est en train de marginaliser toutes les instances constitutionnelles, et la Haica n’échappe pas à cette règle.
Le fait que le chef de l’Etat n’a jamais daigné recevoir le président de la Haica, Nouri Lajmi, ni n’a jamais prêté la moindre attention aux avertissements de l’autorité audiovisuelle relatifs à la gestion, autoritaire et unilatérale, des médias publics par le pouvoir exécutif, traduit un mépris total du pouvoir en place pour l’idée même d’autorégulation des médias et, surtout, trahit une volonté clairement affirmée d’imposer un contrôle direct sur les médias, et pas seulement publics. Ce qui constitue une grave régression et un dangereux retour à la situation ayant prévalu dans le secteur avant la révolution de 2011.
Et allez parler encore de démocratie, de pluralisme et de liberté d’expression dans une Tunisie qui régresse chaque jour un peu plus par rapport aux aspirations portées par les révolutionnaires de 2011.
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