En inaugurant le centre de médecine d’urgence et de chirurgie à Jendouba (nord-ouest de la Tunisie), dont la construction a été financée par les Emiratis, le président de la république Kaïs Saïed s’est arrangé pour ne pas faire un tour dans les services délabrés de l’hôpital de Jendouba, et ce pour éviter d’entendre les plaintes des malades qui sont privés des soins élémentaires devant exister dans un hôpital régional.
Par Imed Bahri
Il ne se passe pas une journée sans que le président de la république, Kaïs Saïed nous gratifie d’une déclaration complètement décalée par rapport à la réalité que nous autres, citoyens, vivons tous les jours.
Hier encore, lundi 26 décembre 2022, en inaugurant le centre de médecine d’urgence et de chirurgie à l’hôpital régional de Jendouba, réalisé avec des financements émiratis d’une valeur de plus de 20 millions de dinars, le chef de l’Etat a nié l’existence d’une crise de la santé en Tunisie, qui plus est, en présence du ministre en charge du secteur, médecin de son état, et qui connaît bien le niveau de délabrement des hôpitaux publics.
Tout va bien…
Saïed considère que «tout ce qui circule dans certains médias et réseaux sociaux sur l’incapacité des centres de dialyse à s’acquitter de leur tâche ou sur la hausse des prix n’est que l’écho de rumeurs malveillantes, par lesquelles certaines parties cherchent à porter atteinte à la stabilité de la Tunisie».
Répondant à une question sur les garanties que le président de la république pourrait présenter aux Tunisiens quant à l’avenir du pays dans le contexte de cette conjoncture difficile, Saïed a persévéré dans le déni de la réalité que vivent les Tunisiens au quotidien (pénuries de produits de première nécessité, hausses continue des prix, baisse du pouvoir d’achat, dégradation des services publics, à Jendouba même où il s’est rendu hier, etc.). Il a même accusé, encore une fois, certaines parties, sans les nommer, de vouloir «compromettre la situation des Tunisiens et fomenter des crises inexistantes». Mais ne pouvant totalement démentir les difficultés que les citoyens vivent quotidiennement, le chef de l’Etat s’est dit «conscient de l’existence de craintes chez les Tunisiens quant à leur avenir mais la volonté du peuple et sa résilience sont de nature à débarrasser la Tunisie des forces qui œuvrent à perturber l’État tunisien au travers des rumeurs».
Narcissisme d’autocrate
Qui sont ces forces malveillantes ? Le président ne les nomme jamais, et pis encore : il ne prend aucune mesure pour les sanctionner et les mettre hors d’état de nuire. C’est à croire qu’elles n’existent que dans sa tête pour alimenter sa théorie du complot dont il se dit victime depuis qu’il a pris le pouvoir en 2019.
«Ce n’est plus de la politique, c’est de la psychiatrie», a commenté un médecin, en faisant remarquer que le président n’a pas osé faire un tour dans les services délabrés de l’hôpital de Jendouba où il se trouvait, et ce pour éviter d’entendre les plaintes et les doléances des malades qui y sont privés des soins élémentaires devant exister dans un hôpital régional.
En fait, Kaïs Saïed ne veut pas voir le pays tel qu’il est en réalité, mais il s’entête à en garder dans sa tête une image édulcorée, complètement fausse et qui flatte son narcissisme d’autocrate.
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