Beaucoup de Tunisiens voient dans toute déclaration d’une personnalité étrangère sur la Tunisie une marque d’hostilité voire le signe d’un complot tramé par quelques forces occultes qui nous veulent du mal. Cette frilosité, qui frise parfois la paranoïa, s’exprime avec force sur les réseaux sociaux, mais pas seulement. Et ce n’est sûrement pas la Tunisie qui y gagne.
Par Ridha Kefi
En recevant hier, lundi 20 février 2023, au Palais de Carthage, Nabil Ammar, le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens de l’étranger, Kaïs Saïed, a insisté à nouveau sur l’un de ses thèmes favoris, la souveraineté nationale, laissant ainsi entendre que celle-ci est sérieusement menacée. Il reste à savoir par qui…
«La souveraineté de la Tunisie est au-dessus de tout soupçon, au-delà de toute considération», a souligné le président de la république. «Nous sommes contre l’ingérence dans les affaires intérieures d’autrui et nous n’accepterons jamais que d’autres s’immiscent dans nos affaires», a-t-il ajouté, surfant ainsi sur la vague de frilosité qui s’est emparée d’une partie de l’opinion publique tunisienne, reniant à toute partie étrangère, quelle qu’elle soit, le droit d’émettre le moindre point de vue sur ce qui se passe en Tunisie, comme si notre pays était une île perdue au milieu de l’océan, totalement coupée du reste du monde.
Une «guerre civile» dans la tête
Cette frilosité, qui frise parfois la paranoïa, est perceptible sur les réseaux sociaux où beaucoup de Tunisiens, se croyant plus patriotes que tous leurs compatriotes, voient dans toute déclaration d’une personnalité étrangère sur la Tunisie une marque d’hostilité voire le signe d’un complot tramé par quelques forces occultes qui nous veulent du mal.
Quoi qu’il en soit, et même si la Tunisie, actuellement en crise, se sent fragilisée et quelque peu dépendante de l’étranger pour sa survie même (ne sollicite-t-elle pas une aide financière étrangère pour boucler son budget pour l’année en cours ?), rien ne menace réellement son indépendance que la «guerre civile» qui fait rage actuellement dans la tête de ses propres enfants.
Quant à sa souveraineté, elle la préserverait beaucoup mieux en renforçant son front intérieur, en évitant la division et en établissant un dialogue serein entre tous ses enfants, quelles que soient leurs obédiences politiques. D’autant que l’échec de notre transition démocratique, au terme d’une décennie d’interminables querelles idéologiques, devrait normalement nous inspirer beaucoup plus d’humilité, de pondération et d’humilité.
On a été mauvais, très mauvais, maladroits, très maladroits, et on a fait tout à l’envers, détruisant nous-mêmes notre pays et le réduisant au statut d’Etat failli ou presque, mendiant aux portes des bailleurs de fonds internationaux.
Lever les barricades mentales
Notre situation étant ce qu’elle est aujourd’hui, la critique, d’où qu’elle vienne, serait plutôt la bienvenue en ce qu’elle pourrait nous aider à nous corriger, et c’est l’une des conditions pour espérer repartir de bon pied. Et ce ne sont pas les petites susceptibilités et les postures grincheuses qui vont nous y aider. Au contraire…
Les cris d’orfraie lancés par certains esprits chagrins à chaque fois qu’une critique est exprimée ou qu’une réserve est émise par quelqu’un à notre encontre, à tort ou à raison, n’auront qu’une seule conséquence : aggraver l’isolement du pays et enfermer ses habitants derrière des barricades mentales qui ne les aideront pas à retrouver l’aide dont ils ont besoin pour sortir de la crise et se relancer dans un monde où l’argent est devenu de plus en plus rare et de plus en plus cher.
A bon entendeur…
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