La Tunisie n’a ni la vocation ni les moyens d’être une muraille pour une Europe égocentrique qui refuse de reconnaître sa responsabilité dans cet ordre économique mondial postcolonial et inéquitable envers l’Afrique considérée comme une source de matières premières et un pré carré économique et sécuritaire. (Illustration : Kaïs Saïed et Ursula von der Leyen).
Par Elyes Kasri *
A L’instar du proverbe qui dit qu’«au milieu de toute crise se trouve une grande opportunité», il serait judicieux de faire de la migration à partir et à travers la Tunisie qui est perçue comme une menace dans les pays d’Afrique du Nord et en Europe et la source d’une crise grandissante avec l’Afrique, une opportunité pour poser de manière plus effective la problématique du développement endogène et durable en Afrique comme un des fondements de la paix et de la sécurité internationales.
La vague déferlante de la migration illégale
Située entre deux continents en mutation et soumise par les aléas de la géographie et des relations économiques inéquitables à une vague migratoire de plus en plus irrésistible et déstabilisante, la Tunisie a tout intérêt à se dégager d’un tête-à-tête inégal avec l’Europe pour associer l’Union du Maghreb arabe, l’Union Africaine, l’Union Européenne et les institutions onusiennes à la recherche d’une solution équitable et durable au problème de la migration sud-nord à travers l’Afrique du Nord qui ne pourra que s’exacerber au fil des ans en l’absence d’une approche collective et globale.
Il y a lieu d’espérer que l’Union du Maghreb arabe qui est considérée dans un état de mort clinique pourra être sauvée par une meilleure coordination sécuritaire, politique et diplomatique et surmonter les différends du moment entre ses pays membres pour faire face collectivement à la vague déferlante de la migration illégale avec ses contraintes contradictoires vis-à-vis de nos frères africains et de nos partenaires européens.
Le spectre du grand remplacement
Dans le même contexte, le grand remplacement tant craint, au grand bonheur des milieux d’extrême-droite européenne, par de nombreux Tunisiens qui semblent tétanisés par le phénomène de la migration sud-nord et incapables de l’aborder rationnellement, deviendra inévitable si la Tunisie persiste à jouer le rôle de comparse dans la logique intenable de la citadelle Europe.
La Tunisie n’a ni la vocation ni les moyens d’être une muraille pour une Europe égocentrique qui refuse de reconnaître sa responsabilité dans cet ordre économique mondial postcolonial et inéquitable envers l’Afrique considérée comme une source de matières premières et un pré carré économique et sécuritaire.
La Tunisie sera dans l’obligation de servir de destination secondaire et provisoire si elle s’érige comme un mur devant le rêve de plusieurs millions de Subsahariens en quête d’une deuxième chance en Europe.
A moins d’un cloisonnement étanche de ses frontières, la Tunisie devra assumer le rôle d’escale que lui impose, la géographie, l’histoire, la solidarité humaine et sa sécurité nationale.
* Ancien ambassadeur.
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