Stefania Craxi, sénatrice de Forza Italia et présidente de la Commission sénatoriale des affaires étrangères et de la défense, est bien consciente de la dynamique internationale et de celle d’un État comme la Tunisie, où son père Bettino a vécu de nombreuses années jusqu’à sa mort. «Pour comprendre ces réalités, il faut enlever les verres des pays riches et avancés et changer d’étalon».
Propos recueillis par Anna Maria Greco
Il Giornale : Sénateur, comment se fait-il que ce pays méditerranéen qui semblait plus stable que d’autres soit devenu une «bombe de l’immigration» ?
Stefania Craxi : Nous parlons d’un pays et d’un peuple qui me tiennent à cœur, qui a garanti la liberté de mon père (Bettino Craxi, président du Conseil italien de 1989 à 1992, réfugié politique en Tunisie, décédé et enterré à Hammamet en 2000, Ndlr) où j’ai passé les étés de mon enfance et de mon adolescence. Aujourd’hui, il risque de s’effondrer et des milliers de Tunisiens tentent de partir.
La Tunisie a beaucoup souffert économiquement, elle a vécu du tourisme de l’Europe et avec la crise elle a cessé, il y a eu la pandémie comme chez nous, mais les conditions de départ étaient beaucoup plus fragiles. Et puis les infiltrations étrangères, je parle des Frères musulmans, et d’un certain populisme qui n’a pas épargné même ce côté-là de la Méditerranée.
Si la Tunisie s’effondre, il y a un risque que 900 000 réfugiés arrivent et qu’en été la situation devienne incontrôlable», a déclaré le Premier ministre Meloni à Bruxelles. Que peut et doit faire l’Europe ?
Le sujet n’est pas seulement les Tunisiens qui partent, mais aussi beaucoup d’autres. Je suis revenue il y a quelques jours d’une mission au Liban où 2,5 millions de réfugiés syriens pèsent lourdement sur une population de 5 millions. Nous risquons un phénomène dévastateur. L’Europe doit agir maintenant. Le ministre de la Défense Crosetto propose de séparer les dépenses de défense des contraintes budgétaires, je dirais aussi les dépenses de coopération et de développement.
Le rôle de l’Italie, très proche et directement intéressée par le sort de la Tunisie, quel devrait-il être ?
Notre pays est profondément méditerranéen et peut aider toute l’Europe à comprendre et accompagner le développement de la Tunisie. C’est le rôle que nous donne l’histoire avant la géographie.
Le Fonds monétaire international négocie un prêt à la Tunisie de 1,9 milliard de dollars, mais demande de lourdes réformes en garantie. Ce blocage peut-il être surmonté ?
C’est bien que le FMI demande des réformes mais le prêt doit être accordé avant que le pire n’arrive. Nous nous attendions à ce que ces pays deviennent des démocraties en peu de temps mais ils ont une histoire différente et l’Occident a ses responsabilités. Pendant ce temps, d’autres acteurs entrent en jeu, les mêmes que dans la guerre en Ukraine, comme on le voit avec Wagner en Libye. Le manque de développement et la sécurité mondiale sont liés, il n’y a pas de paix si vous mourez de faim.
Le ministre des Affaires étrangères Tajani propose de diviser les contributions du FMI en tranches à livrer sur la base des réformes réalisées. Est-ce la voie ?
La première tranche doit arriver immédiatement. La Tunisie et les autres pays d’où partent les migrants doivent être soutenus, en les accompagnant dans les réformes.
Traduit de l’italien.
Source : Il Giornale.
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