En refusant désormais aux journalistes l’accès aux travaux des commissions parlementaires, les députés tunisiens cherchent-t-ils à cacher certaines choses au peuple qu’ils se targuent pourtant d’être les représentants ?
Par Imed Bahri
Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a dénoncé la décision du bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) de refuser aux journalistes l’accès à la couverture des travaux des commissions parlementaires.
Le SNJT a appelé vendredi 16 juin 2023 dans un communiqué le bureau à revoir cette décision, la qualifiant de «déviation grave» qui porte atteinte à la liberté de la presse, aux principes de transparence et au droit d’accès à l’information, sachant que jusqu’au gel de l’ancien parlement par le président de la république Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021, les journalistes étaient admis au parlement dont ils couvraient les travaux sans restrictions particulières.
Le SNJT a précisé que des journalistes s’étaient vu refuser l’accès pour couvrir les travaux de plusieurs commissions au cours des cinq derniers jours.
Les journalistes malaimés
Lors d’une réunion tenue jeudi par le bureau de l’ARP, le président du Parlement, Brahim Bouderbala, a souligné que les commissions parlementaires publient à l’issue de leurs réunions des communiqués de presse, qui sont instantanément publiés sur le site web de l’ARP et d’autres pages officielles des médias sociaux. Les journalistes présents peuvent également obtenir une copie de ces communiqués de presse, a-t-il ajouté, faisant ainsi comprendre qu’ils sont désormais persona non grata sous la coupole du Bardo, où leur présence était jusque-là à peine tolérée.
Le président de l’Assemblée a-t-il informé le président de la république Kaïs Saïed, qu’il a rencontré hier, vendredi 16 juin 2023, d’une telle décision et a-t-il eu son accord à son sujet ? Et, d’ailleurs, qu’en pense le chef de l’Etat, lequel, soit dit en passant, n’affectionne pas beaucoup, lui non plus, la proximité des journalistes ?
Rappelons, à ce propos, que M. Bouderbala avait déjà interdit aux journalistes, en avril dernier, l’accès des séances plénières du parlement nouvellement installé aux journalistes des médias publics et privés et aux correspondants des médias internationaux, avant de se rétracter et de faire marche arrière, sous la pression des collègues qui ont manifesté devant le parlement. Ce ne fut donc que partie remise: chassez le naturel, il revient au galop !
Que cherche-t-on à cacher ?
On peut certes comprendre que certains sujets délicats liés à la défense et à la sûreté nationale puissent être discutés à huis clos et sans la présence des journalistes, mais que ces derniers ne soient pas admis à couvrir les travaux de toutes les commissions parlementaires, y compris celles relatives aux questions économiques, sociales et culturelles, il y a un pas que M. Bouderbala aurait été inspiré de ne pas «commettre». Car il s’agit là d’un véritable abus de pouvoir.
Là, on pousse vraiment trop loin le bouchon de la cachoterie publique et de la censure des médias. Sinon, qu’a-t-on à cacher au peuple qui a élu ces dames et messieurs, quoique à l’issue d’un scrutin où la participation a été la plus faible dans l’histoire de l’humanité tout entière (moins de 12%), ce peuple dont ces dames et messieurs se targuent d’être les «représentants» ?
Bref, pour la presse tunisienne, c’est (presque) déjà le retour au temps glorieux de la dictature de Ben Ali, où leur travail était directement contrôlé par les autorités publiques, rien ne passait s’il n’était pas filtré d’avance.
Est-ce cela le but recherché par M. Bouderbala, qui n’a pas fini de nous étonner et, surtout, de nous décevoir ?
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