Lors de la cérémonie de passation des pouvoirs entre Najla Bouden et le nouveau chef du gouvernement Ahmed Hachani, mercredi 2 août 2023, à la présidence du gouvernement à la Kasbah, le président de la république Kaïs Saïed a insisté sur l’harmonie devant exister entre le chef de l’Etat et le Premier ministre.
Par Imed Bahri
En allant lui-même à la Kasbah pour présider la cérémonie, Kaïs Saïed a-t-il voulu signifier, au cas où on ne l’aurait pas encore compris, qu’il reste le maître des lieux, et marquer ainsi clairement son territoire ? Située dans le contexte des fritures enregistrées ces dernières semaines dans les relations entre Carthage et la Kasbah, cette analyste tiendrait bien la route.
«Vous avez assumé la responsabilité dans la situation délicate que traverse le pays et vous l’avez assumée avec honnêteté et dévouement. Vous avez participé à l’Histoire de la Tunisie», a lancé Saïed à Bouden, qui, de son côté, l’a remercié pour sa confiance, affirmant que c’était son devoir envers sa patrie. «Merci de m’avoir donné cette opportunité pour servir la Tunisie», a dit celle que les Tunisiens ont très peu entendue au cours de son mandat de deux ans. Et pour cause : elle parlait très rarement, ne donnait jamais de déclarations et d’interviews et se contentait de lire des discours préparés par ses collaborateurs. Et il y a peu de chance que son successeur soit plus prolixe, le nouveau système politique mis en place par Saïed exigeant du Premier ministre qu’il travaille sans faire d’étincelle, en rasant les murs si possible.
Le maître des horloges
Dans une sorte de reproche à la cheffe de gouvernement sortante et d’avertissement lancé à son successeur, le président Kaïs Saïed a profité de l’occasion pour souligner la nécessaire harmonie devant exister entre le président et le gouvernement, dans une limpide allusion aux déclarations faites par certains hauts responsables de l’Etat qui sont en nette contradiction avec les positions publiques exprimées par le chef de l’Etat, notamment en ce qui concerne les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) et les réformes structurelles exigées par ce dernier.
Reprenant un thème qui lui est cher, Saïed a insisté également sur l’importance de purger les rouages de l’État des éléments qui, selon lui, sont au service de groupes d’intérêts, en affirmant : «Nous sommes dans une guerre de libération de la patrie de ses destructeurs. Tout le monde doit s’impliquer dans cette guerre».
Dans ce cadre, il a annoncé un projet pour réviser les nominations dans les rouages de l’Etat effectuées au cours des dix dernières années, qui selon lui étaient basées sur l’allégeance politique, des CV bidonnés et des diplômes falsifiés. Le chef de l’Etat laisse entendre par là que les nominations effectuées depuis son accession à la tête de l’Etat se font sur la base du mérite et de la compétence, ce dont beaucoup de ses détracteurs doutent.
Certains plus en harmonie que d’autres
Après cette passation des pouvoirs à la Kasbah, les interrogations portent sur les autres membres du gouvernement qui vont être limogés au cours des prochains jours, semaines ou mois et les paris vont bon train. Le nom qui revient le plus souvent dans les conversations est celui du ministre de l’Economie et de la Planification Samir Saïed, qui n’a pas montré beaucoup d’«harmonie» avec les positions du président de la république concernant ses domaines de compétence.
On parle aussi d’un possible départ de l’équipe qui a mené jusque-là les négociations avec le FMI pour un nouveau prêt de 1,9 milliard de dollars, en veilleuse depuis octobre dernier. Notamment la ministre des Finances Sihem Nemsia Boughdiri et le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) Marouane Abassi qui seraient sur des sièges éjectables. D’autant que le président a réitéré, hier, sont rejet de ce qu’il appelle diktats de l’étranger : «Nous devons compter sur nous-mêmes afin de rester indépendants et de ne pas être pris en otage par une partie imposant des conditions qui portent atteinte à la paix sociale», a-t-il dit, dans une limpide allusion au FMI.
(Avec Hssan Briki)
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