Ceux qui reprochent aux Palestiniens avec un certain degré d’hypocrisie de recourir à la violence gratuite et injustifiée gagneraient à se poser tout d’abord la question des alternatives pacifiques laissées à ce peuple opprimé et destiné à l’extermination pour préserver ses droits les plus élémentaires. (Asharaf Mahmoud Amour inspecte les ruines de sa maison dans le village cisjordanien de Letwani. Ph. David Hearst).
Par Elyes Kasri *
La communauté internationale commence à se rendre progressivement à l’évidence du caractère désormais irréaliste et chimérique de la solution des deux Etats au conflit palestino-israélien car, du fait du cumul des aménagements sur le terrain imposés par le fer et le sang dans une stratégie cynique d’obstruction de la part des autorités israéliennes successives, la situation actuelle sur le terrain ne peut assurer une viabilité suffisante aux lambeaux de territoire réservés à ce qui est vainement promis comme un simulacre d’Etat aux Palestiniens mais qui en fait ressemble plus à une série discontinue de réserves dans lesquelles ont été parqués les Indiens d’Amérique dans l’attente de leur extermination.
L’hypocrisie du droit international
Ce système de parcelles de territoire palestinien rognées par des colonies de peuplement habitées par des zélotes sionistes plus racistes que les Afrikaners d’Afrique du sud a abouti à un régime de ségrégation raciale pire que l’apartheid de l’ancienne Afrique du Sud.
En plus d’une fausse quiétude de conscience des gouvernements occidentaux et arabes impuissants ou carrément complices, cette formule offre quelques postes et avantages à une nomenklatura palestinienne rentière de cette situation dramatique pour l’écrasante majorité du peuple palestinien tout en alimentant le ressentiment chez les peuples arabes et musulmans en cultivant le syndrome de victimisation et de l’hypocrisie mondiale des droits de l’homme et du droit international.
Plus que jamais, la dérive raciste et colonialiste des gouvernements israéliens d’extrême droite joue un rôle corrosif et constitue un facteur de radicalisation de l’opinion publique arabe et musulmane partout dans le monde, offrant ainsi un terreau favorable aux faux prophètes et aux commerçants du ressentiment et de l’antagonisme d’un Occident perçu non plus uniquement comme un monde qui n’arrive pas à se défaire de ses pulsions colonialistes et suprémacistes mais de plus en plus comme un ennemi identitaire et existentiel.
Ceux qui prônent le choc et même la guerre d’extermination des civilisations et appellent de leurs vœux la fin du monde pour favoriser l’arrivée du messie, trouvent en la politique d’extrême droite et carrément raciste de la classe politique israélienne et ses soutiens serviles en Occident et dans le monde arabe des comparses d’une efficacité redoutable.
Une bombe à retardement
Il est grand temps de prendre conscience que la résolution onusienne 181 de partage de la Palestine historique s’est avérée une mauvaise compensation aux juifs victimes de persécutions européennes mais surtout une bombe à retardement non seulement pour la déstabilisation du Moyen Orient mais pour la paix et la sécurité internationales.
Ceux qui reprochent aux Palestiniens avec un certain degré de naïveté et surtout d’hypocrisie de recourir à la violence gratuite et injustifiée gagneraient tout d’abord à se poser la question des alternatives pacifiques laissées à ce peuple opprimé et destiné à l’extermination pour préserver sa dignité et ses droits les plus élémentaires.
* Ancien diplomate.
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