Kaïs Saïed réitère sa position sur la question palestinienne (vidéo)

Le rejet par Kaïs Saïed du projet de loi sur la criminalisation de la normalisation avec Israël, présenté par des parlementaires se proclamant pourtant de son projet politique, est resté incompris par bon nombre de Tunisiens, aussi a-t-il ressenti le besoin de s’expliquer solennellement à ce sujet. A-t-il pour autant clarifié sa position ? Peut-être pour certains, sans doute pas pour tous… Vidéo.

Par Imed Bahri  

Dans une allocution télévisée à l’adresse des Tunisiens, hier soir, vendredi 3 novembre 2023, Kaïs Saïed a voulu dissiper le moindre doute sur un quelconque changement de sa position vis-à-vis du sionisme qu’il a toujours fermement dénoncé. Mais s’il a fait dire au président de l’Assemblée Ibrahim Bouderbala qu’il était opposé à l’adoption d’un projet de loi relatif à la criminalisation de la normalisation avec Israël, ce que ce dernier a rapporté avant-hier soir lors d’une plénière consacrée audit projet de loi, c’est parce que, a-t-il dit, «notre guerre est une guerre de libération et non de criminalisation.»

Traduire : il s’agit plutôt de libérer la Palestine, toute la Palestine historique. Et toute autre revendication serait insuffisante ou inutile à ses yeux. C’est du moins ce que l’on peut comprendre de sa formulation ô combien ambiguë.

Redéfinissant les termes du débat, le président Saïed a défendu l’idée que celui qui établit des liens avec l’Etat sioniste commet un crime de «haute trahison envers le peuple palestinien», laissant entendre que le Tunisien est redevable d’une fidélité sans faille à son pays, mais pas seulement; il la doit aussi, cette fidélité sans faille, à la cause palestinienne, sans préciser laquelle, celle de l’OLP, du Hamas, du Jihad islamique ou autres.

Dissiper des doutes et répliquer aux sceptiques

Le président Saïed a regretté de voir la question palestinienne se muer en une joute oratoire sans objet (merci pour les députés qui n’ont pas fini d’avoir pour leur grade !) et en une fausse querelle juridique à l’heure où le peuple palestinien dans la bande de Gaza est victime d’atrocités et aux prises à une crise humanitaire sans précédent.

Il a également tenu à rappeler que le terme «normalisation» ne figure pas dans son registre lexical et que cette expression procède d’un esprit «défaitiste et soumis» qui n’est pas le sien, car il préfère, lui, les postures rebelles, réfractaire voire révolutionnaire.

Tour en soulignant que le but de son allocution est de dissiper des doutes et de répliquer à certaines voix sceptiques sur sa position autour de la normalisation avec l’entité sioniste, Saïed a indiqué qu’il refuse de réduire les termes du débat sur la question palestinienne à une controverse juridique oiseuse et insensée.

A ce titre, le président de la république a fait le distinguo entre les constitutions de 2022, qu’il a lui-même écrite et fait promulguée, et celle de 2014 rédigée et adoptée par l’Assemblée constituante, s’agissant de leurs positions respectives vis-à-vis de la cause palestinienne.

Dans ce contexte, il a rappelé que l’incise de la Constitution de 2022 était plus progressiste que celle de 2014, en ce sens qu’elle est venue consacrer sans équivoque les droits légitimes des peuples à disposer d’eux-mêmes et le droit du peuple palestinien, en premier lieu, à récupérer sa terre spoliée et à établir son État indépendant avec pour capitale Al-Qods Al-Charif. Ce qui, a-t-il ajouté, n’est pas le cas pour la constitution de 2014 qui s’est contentée d’une plate et timide allusion au «simple soutien» à la juste cause de tous les mouvements de libération, et à leur tête le mouvement de libération de la Palestine.

Le président Saïed est revenu, par ailleurs, sur les dessous de la rédaction de la constitution de 2014, rappelant les navettes effectuées depuis 2011 par un sioniste (sans le citer) au Palais du Bardo ainsi que ses rencontres avec plusieurs membres de l’Assemblée nationale constituante de l’époque en Tunisie et à l’étranger, laissant entendre que ce texte qu’il a fait abroger est inspiré par des… sionistes. Ce qui, on l’imagine, constitue un camouflet sinon une insulte à tous les constituants.

«Lorsqu’ils ont sollicité mon avis sur le projet de loi sur la criminalisation (de l’Etat d’Israël, Ndlr), examiné hier à l’ARP, j’ai réitéré la même position de principe selon laquelle il est question d’une ‘‘haute trahison’’, réaffirmant que ce sujet ne peut faire l’objet de concession, de chantage, ni de surenchère ou de pression d’une quelconque partie en Tunisie ou à l’étranger», a souligné Saïed.

A la merci d’une interprétation oiseuse

Il a souligné que le texte de la constitution de 2022 a fixé avec soin et précision les attributions respectives dévolues au président de la république et au parlement, remettant ainsi les députés à leur place qu’ils semblent avoir oubliée, celle de simples fonctionnaires de l’Etat. Et en tout état de cause, la souveraineté appartient au seul peuple tunisien, lequel veut la libération de la Palestine, toute la Palestine, a tranché le chef de l’Etat, qui incarne seul la volonté populaire, affirmant qu’«il s’agit d’une position exprimée, hier, aujourd’hui et demain». Et de souligner que la libération des patries ne s’acquière pas par les textes de lois ou les vœux pieux mais plutôt par les rudes épreuves et les généreux sacrifices.

Enfin, pour sanctionner les personnes qui nouent des liens avec l’entité sioniste, ou n’importe quel acte pouvant être interprété comme tel, car c’est là le vrai sujet, le chef de l’Etat a préconisé le recours à l’article 60 du code pénal tunisien qui définit le coupable de haute trahison et énumère les différents cas de figure s’y rapportant. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?

Qu’on nous permette d’en douter, car il suffit d’examiner l’article en question, qui prévoit la peine capitale pour un certain nombre de délits, pour avoir froid au dos, d’autant que ce texte laisse la voie ouverte à toutes les interprétations et donne au juge la liberté de décider du sort des gens sur la base de ces interprétations dont on imagine qu’elles pourront être plus oiseuses les unes que les autres.

Vidéo.

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