Des mandats ensanglantés qui cachent un profond malaise au sein de la société américaine. La charge de la présidence semble être lourde à porter; elle nuit profondément à la santé physique et mentale de ses présidents. Plusieurs locataires de la Maison blanche sont tombés morts pour la patrie ou poussés à la sortie.
Par Mohsen Redissi
Hiroshima et Nagasaki garderont à jamais les stigmates de deux bombes nucléaires larguées sur une population innocente. Des décisions souveraines prises par le président Harry S. Truman, 33e président (1945-1953), et chef des armées. Des jours durant le ciel de l’empire du Soleil levant est assombri par la persistance de nuages nucléaires. Un débarquement aurait eu un lourd tribut en vies humaines chez les forces alliées.
Richard Nixon, 37e président (1969-1974), un président mauviette qui a pris la poudre d’escampette en 1974; une première dans l’histoire d’une présidence toujours en effervescence. Il a voulu avoir des oreilles plus longues en plaçant des mouchards dans les bureaux de ses adversaires politiques. C’est l’affaire du Watergate, une offense assez grave pour que le Congrès entame une procédure de destitution. Secoué, il a préféré démissionner au tout début d’une procédure d’impeachment, plutôt que faire face à ses accusateurs. Déchu, il aurait perdu sa pension présidentielle, la garde rapprochée et bien d’autres avantages. Dans tous les cas, il a perdu l’honneur de partir la tête haute.
Les ardeurs des va-t-en-guerre
La Loi sur les pouvoirs de guerre, War Powers Resolution, a été votée en 1973 pour mettre fin aux ardeurs du va-t-en-guerre de présidents belliqueux. Un trait commun à la plupart d’entre eux. L’armée a bombardé le Cambodge pendant plus d’un an; le président Nixon n’a pas vu l’intérêt d’avertir le Congrès. La nouvelle loi oblige le président d’obtenir l’autorisation du Congrès avant d’engager l’armée dans des opérations militaires à l’étranger pour plus de soixante jours. Une procédure souvent négligée ou bafouée par des présidents qui mouillent dans des eaux troubles, puis réclament la bénédiction du Congrès.
Tous les sondages le désignent comme la personnalité la plus appréciée par les Américains toutes catégories confondues. Il est issu du milieu des arts et des spectacles où jouer un rôle est un métier. Il est l’homme de la plaine et l’homme providence chaque fois qu’il se trouve au devant de la scène.
L’Ayatollah Khomeini libère les diplomates américains après 444 jours de captivité qui sont reçus en grand pompe le jour de l’intronisation de Ronald Reagan, 40e président (1981-1989). Des rapports secrets l’accusent d’avoir troqué leur libération pour faire perdre les élections à Jimmy Carter, 39e président (1977-1981) et jouer un nouveau rôle, celui du libérateur.
Un trafic d’armes, Irangate, éclate en 1986 sous son deuxième mandat. Reagan a violé l’embargo en fournissant des armes à l’Iran, son ennemi juré, dans sa guerre contre l’Irak en échange de la libération des otages. Armer et voir les deux puissances du Moyen-Orient s’affaiblir consolide les assises américaines et réconforte Israël dans sa domination. Les fruits de la vente d’armes datant de la fin de la guerre du Viêt Nam ont financé les opposants au gouvernement socialiste du Nicaragua, les Contras. Reagan trouve en son Lieutenant-colonel Oliver North son bouc émissaire qui reconnaît les faits; Reagan est ainsi blanchi. Un Machiavel à souhait.
L’armée américaine, sous ses ordres, largue environ 60 tonnes de bombes dans un raid de vingt minutes sur Tripoli le 15 avril 1986 en représailles à un attentat à la bombe attribué à la Libye dans une discothèque à Berlin fréquentée par les GIs. Averti par une chancellerie amie, Mouammar Kadhafi et sa famille se réfugient dans les bunkers de sa résidence à Bab Al-Azizia. Le guide était visé; il représentait l’instabilité sur la scène internationale et un danger pour les pays fragiles.
Le tort commis par le président Bill Clinton, 42e président (1993-2001), est d’avoir menti dans l’exercice de sa fonction dans une affaire personnelle, le Monicagate. Le Sénat majoritairement démocrate a gelé la procédure de destitution. Kenneth Starr, le procureur indépendant, l’a malmené en direct pendant des heures. Il ne manquait au président Bill Clinton dans son interrogatoire que la description de son anatomie intime.
On lui reconnaîtra cependant plusieurs actions louables, et notamment d’avoir participé au succès des accords d’Oslo entre les Israéliens et les Palestiniens et d’avoir tenté de faire accepter à Yasser Arafat et à Yitzhak Rabin un plan de paix qui aurait pu mettre fin au conflit au Proche-Orient. Nous payons encore aujourd’hui les conséquences catastrophiques de cet échec.
Le ciel tombe sur la tête des Américains
Le ciel est tombé sur la tête de George W. Bush, 43e président (2001-2009). Deux avions détournés s’écrasent sur les tours jumelles du World Trade Center, symboles de la réussite de la ville de New York. Un troisième avion sur le Pentagone. Les attentats du 11 septembre 2001 ont ouvert une ère de guerre tous azimuts contre le terrorisme. L’Afghanistan est détruit, accusé d’être un havre de paix pour les terroristes de tous bords. Vingt ans d’occupation militaire n’ont servi qu’à creuser le fossé. Les troupes américaines quittent l’Afghanistan sous les ordres de Trump; moins d’une semaine après le départ du dernier contingent, les Taliban entrent à Kaboul en triomphateurs sans coup férir.
Son feu secrétaire d’Etat Colin Powell est l’héros d’une mièvre mascarade devant le Conseil de sécurité des nations unies. Il s’évertue à démontrer que Saddam Hussein possède des armes de destruction massive ouvrant la voie à l’invasion, puis à la destruction totale de l’Irak. Un alibi pour les alliés pour se débarrasser d’une menace, Saddam Hussein. Son deuxième mandat, il le doit à son frère gouverneur de Floride à l’époque en mettant fin au décompte d’un vote contesté en faveur de son aîné.
Le Watergate, l’Irangate comme la Russia-Gate, sont des affaires obscures et sordides dans lesquelles trempent les présidents américains à la recherche d’une victoire facile par tous les moyens. Donald Trump, 45e (2017-2021), est soupçonné d’avoir comploté avec les Russes pour influencer l’issue des élections; il conteste même le résultat. Il accuse le camp adverse de fraudes et engage plusieurs recours devant la justice. Ses sympathisants répondent à son appel. Armes aux poings, ils prennent le Capitole d’assaut le jour de la confirmation de la victoire de Joe Biden, 46 président (2021-…). Le sang a coulé et des morts sont à déplorer. Les deux présidents sont candidats à la prochaine élection présidentielle, le 4 novembre 2024. Tempête à l’horizon…
Le précédent locataire de la Maison Blanche est le premier président à être visé par deux procédures de destitution et le premier à être mis à l’index. Ses comptes sur plusieurs réseaux sociaux sont fermés pour incitation à la violence. Dans une autre affaire, des enquêteurs gouvernementaux ont trouvé des documents classés secrets dans les toilettes de sa résidence à Mar-a-Lago, Miami.
La présidence américaine est une institution difficile à atteindre. Un mécanisme complexe d’observatoires, d’organes gouvernementaux et indépendants veillent au grain. Les présidents réussissent par la grandeur de leur âme, d’autres trébuchent et tombent à cause de leur maladresse. Leur rêve américain est brisé et tourne souvent au cauchemar.
Rang | Heurts et malheurs des présidents américains 1789-2024 | Cas | Année |
7 | Andrew Jackson | T | 1835 |
9 | William Henry Harrison | M | 1841 |
12 | Zachary Taylor | M | 1850 |
16 | Abraham Lincoln | A | 1865 |
20 | James A. Garfield | A | 1881 |
25 | William McKinley | A | 1901 |
26 | Theodore Roosevelt | T | 1912 |
29 | Warren G. Harding | M | 1923 |
32 | Franklin Delano Roosevelt | M | 1945 |
35 | John Fitzgerald Kennedy | A | 1963 |
17 | Andrew Johnson | D | 1867 |
37 | Richard Nixon | D | 1974 |
40 | Ronald Reagan | T | 1981 |
42 | Bill Clinton | D | 1998 |
45 | Donald Trump | D | 2019 2021 |
46 | Joe Biden | D | 2023 |
A: 4 présidents assassinés: Abraham Lincoln, James A. Garfield, William McKinley, John Fitzgerald Kennedy.
D: 6 tentatives de destitution: Andrew Johnson, Richard Nixon, Bill Clinton, Donald Trump (2 fois), Joe Biden.
M: 5 morts dans l’exercice de leur fonction: William Henry Harrison, Zachary Taylor, Warren G. Harding, Franklin Delano Roosevelt.
T: 3 tentatives d’assassinat: Andrew Jackson, Theodore Roosevelt, Ronald Reagan.
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