Tunisie-Médias : Sonia Dahmani dans la fosse aux lions

L’avocate et analyste politique Sonia Dahmani a été arrêtée lors d’une descente de police effectuée, dans la soirée du samedi 11 mai 2024, à la Maison de l’avocat à Tunis, où elle s’était réfugiée la veille pour éviter un mandat d’amener. Quel crime a-t-elle commis?

Par Mohamed Sadek Lejri *

Il y a quelques jours, en France, et à la suite de l’interdiction par la Fédération française de football du port de casques et de collants, la journaliste Nassira El Moaddem a publié sur son compte X (ex-Twitter) le commentaire suivant : «Pays de racistes dégénérés. Il n’y a pas d’autres mots. La honte. » Elle n’a, à aucun moment, été inquiétée par la justice. Bien au contraire, comme elle a fait l’objet d’un lynchage sur les réseaux sociaux, la direction de France Inter, une station radio service public par surcroît, de nombreux journalistes et personnalités lui ont apporté un soutien sans faille, sans pour autant cautionner les propos qu’elle a écrits sur son compte. Nul n’a songé à judiciariser cette affaire et la justice française n’exercera jamais sur cette journaliste un pouvoir d’inquisition.

Sous nos cieux, l’avocat et journaliste Sonia Dahmani a reçu une convocation pour comparaître devant le juge d’instruction et ce, quelques heures après avoir déclaré sur une chaîne de télévision privée que la Tunisie n’était pas un pays où il faisait bon vivre. Cette convocation a été précédée d’un déferlement de haine et de violence à son encontre sur les réseaux sociaux.

La populace, patriote dans l’âme, fuyant le service militaire et rechignant à l’idée de payer ses impôts, rongée par le chômage et abrutie par d’interminables farnientes, croupissant dans les gigantesques tas d’ordures qui jonchent les ruelles et les trottoirs de son pays, assoiffée de vengeance et sclérosée par des complexes incurables, a fait le signe du pouce renversé pour que les autorités la jettent dans la fosse aux lions.

Sonia Dahmani n’est pas à sa première déclaration hostile à la chape de plomb qui s’est abattue sur la Tunisie et tout le monde savait que sa liberté de ton et son courage lui faisaient encourir un danger imminent et certain. Ce n’est pas son prétendu antipatriotisme qui lui a créé des problèmes, mais son hardiesse, son amour de la liberté et la mauvaise foi de ses détracteurs. Tout le monde a compris que ses propos peu flatteurs à l’égard de la Tunisie étaient le résultat d’un dépit. En effet, la Tunisie dont elle rêve n’est pas de l’ordre de la réalité actuelle.

Ainsi, même si mon arrestation de l’année dernière ne lui semblait pas avoir déplu (et ce n’est qu’un euphémisme!), je tiens à exprimer tout mon soutien et toute ma solidarité à l’endroit de cette femme qui est l’une des rares figures du paysage audiovisuel tunisien à posséder un honneur et une dignité. **

* Critique de cinéma.

** Mise à jour : En même temps que l’arrestation de Sonia Dahmani, ses collègues dans L’Emission impossible sur IFM, Borhen Bsaies et Mourad Zeghidi, ont été arrêtés à leur tour, interrogés par la brigade criminelle du centre de Gorjani sur des propos et des commentaires qu’ils ont publiés sur les réseaux sociaux, avant d’être conduits au centre de détention de Bouchoucha.

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