A propos des visites inopinées du président candidat à sa succession   

Où s’arrête une activité officielle entrant dans les prérogatives constitutionnelles d’un président sortant et où commence la campagne électorale d’un président candidat à sa propre succession? S’il est permis, le débat reste saugrenu et inutile… (Illustration: visite de Saïed à Menzel Harb, le 23 juillet, pour déplorer les coupures d’eau potable en plein été).

Imed Bahri

Le président de la république Kaïs Saïed, candidat pour un second mandat aux présidentielles du 6 octobre prochain, multiplie les visites dans les quartiers de la capitale et les villes intérieures et va à la rencontre des habitants pour discuter de leurs préoccupations.

L’agence officielle Tap a rapporté ce matin, lundi 29 juillet 2024, avec 30 heures de retard, que le chef de l’Etat s’était rendu à la Cité El-Khadra à Tunis où il a pris connaissance de la dégradation de la situation environnementale, de l’état lamentable du marché municipal et des étalages anarchiques.

L’agence de presse officielle a ajouté que le président a évoqué par la même occasion la question de la levée des ordures dans la zone, et a discuté avec un certain nombre de citoyens et écouté leurs préoccupations et leurs doléances.

La page Facebook de la présidence de la république n’a pas encore communiqué sur cette activité présidentielle. Est-ce à dire que la Palais de Carthage cherche à éviter l’accusation souvent exprimée par les opposants selon laquelle Kaïs Saïed mènerait une campagne électorale avant la lettre et utiliserait à cet effet les moyens de l’Etat, ce qui est, on le sait, interdit par la loi électorale ?

Il reste cependant à déterminer où s’arrête une activité officielle entrant dans les prérogatives constitutionnelles d’un président sortant et où commence la campagne électorale d’un président candidat à sa propre succession.

Cette question est sujette à discussion mais l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) ne semble pas vouloir s’encombrer d’un débat qui risque d’être empoisonné. Alors, elle fait comme si elle n’a rien vu ou que ce qu’elle a vu des activités présidentielles ne sort pas des limites assignées à un président en exercice.

Pour le reste, le débat est permis sur l’utilité de ces visites durant lesquelles le président de la république se contente de constater ce qui ne marche pas dans le pays, d’en faire imputer la responsabilité à quelques malveillants comploteurs et de menacer ceux et celles qui cherchent à porter atteinte à l’unité de l’Etat.

Pour ce qui est des solutions aux problèmes constatés à chaque fois, on attendra encore quelque temps, d’autant que personne dans le pays ne semble en mesure de leur trouver des solutions et de les mettre en œuvre avec la célérité requise.

S’agissant de la dégradation de la situation environnementale, de l’état lamentable du marché municipal et des étalages anarchiques que le président de la république a constatés lors de sa visite samedi soir à la Cité El-Khadra, Kaïs Saïed avait déjà soulevés pareils problèmes lors de ses précédentes visites dans d’autres endroits, et on ne peut pas dire que la situation sur ce front-là comme sur beaucoup d’autres s’est beaucoup améliorée depuis. Alors campagne électorale avant l’heure ou simple activité présidentielle ? S’il est permis, le débat reste saugrenu et inutile, puisque, de toutes les façons, les citoyens ne tirent pas encore de bénéfices palpables de ces visites.