Tunisie : des ONG appellent à assainir le climat électoral

Nous reproduisons ci-dessous la traduction française du communiqué des ONG et des partis sur le climat électoral en Tunisie à l’approche des élections présidentielles dont le 1er tour est fixé au 6 octobre prochain.

Les associations, organisations et partis signataires de ce communiqué avertissent l’opinion publique que l’absence d’un climat démocratique et le retour sur les acquis en matière de libertés menacent la crédibilité des élections présidentielles prévues pour le 6 octobre 2024, et entravent le droit du peuple tunisien à choisir les orientations de l’État de manière libre, transparente et équitable à un moment crucial où les risques et les défis sont nombreux.

La situation politique est généralement caractérisée par une monopolisation de l’espace public, accompagnée de la stigmatisation et de la répression de l’opposition et de la société civile, ce dont atteste les faits suivants :

– plusieurs candidats à l’élection présidentielle sont en prison ou détenus arbitrairement, tandis que d’autres sont menacés de fausses accusations, d’arrestations et de poursuites judiciaires;

– il y a des dizaines de prisonniers et prisonnières d’opinion, ainsi que des journalistes en détention pour des accusations liées à la liberté d’expression et d’organisation, sans procès depuis plus d’un an et demi, avec l’utilisation du décret 54 pour réprimer toute opinion dissidente ou critique à l’égard du pouvoir ou de l’Instance électorale;

– l’Instance électorale est devenue un outil de répression, intimidant et menaçant de poursuites judiciaires quiconque critique ses actions ou son parti-pris, ce qui lui a fait perdre son indépendance et en a fait un instrument du pouvoir en place pour exclure ses opposants et faire taire ses critiques;

– les institutions de l’État et leurs ressources, ainsi que les pages de la Présidence de la République, qui appartiennent à tous les citoyens sans distinction, sont utilisées, alors que les médias publics et privés sont sous pression pour favoriser un candidat au détriment des autres;

– l’autorité viole sa propre Constitution et manipule les dispositions de ce texte en émettant une décision de l’Instance électorale établissant les conditions de la candidature, alors que la Constitution prévoit une loi organique adoptée par l’Assemblée des représentants du peuple pour fixer ces conditions. En réalité, le parlement a abandonné son rôle, se murant dans le silence et la complicité;

– le système judiciaire est utilisé pour éliminer les opposants politiques au président candidat et les journalistes engagés, en s’appuyant sur des textes inconstitutionnels, notamment le décret 54, et en émettant des jugements injustes, comme le récent jugement d’interdiction de candidature à vie à l’encontre d’un candidat [Lotfi Mraïhi, Ndlr];

– les candidats sont entravés et n’ont pas les mêmes chances pour obtenir les documents requis, que ce soit en matière de nationalité ou de casier judiciaire, et de se procurer le formulaire de parrainage, en violation flagrante du droit à la candidature garanti par la Constitution;

– il y a aussi violation flagrante de la loi dans le domaine de la protection des données personnelles, avec la menace de publier les noms des parrains et marraines, les mettant sous la menace de représailles du pouvoir ou de violation de leurs droits, en raison du parti-pris évident de l’administration et du système judiciaire.

Ce climat de peur, d’intimidation et de répression des opposants et des journalistes, par la manipulation des dispositions constitutionnelles et légales, ainsi que la subordination de la justice et de l’Instance électorale aux intérêts du pouvoir en place, avec l’absence d’égalité des chances entre les différents candidats, n’offre aucune garantie pour des élections libres, transparentes et équitables le 6 octobre prochain.

Pour que ces élections respectent les normes démocratiques minimales et reflètent réellement la volonté libre de tous les électeurs et les aspirations du peuple tunisien au changement et à la sortie de la crise économique, sociale et politique, nous demandons :

– l’application de la loi électorale en vigueur aux élections en cours dans l’attente de la promulgation d’une loi fixant des conditions équitables de candidature pour tous sans discrimination, l’obligation d’impartialité de la Commission électorale qui doit être neutre et se tenir à la même distance de tous les candidats et candidates;

– la libération de tous les prisonniers politiques, y compris les candidats et les candidates aux élections présidentielles, ainsi que l’abrogation du décret 54, afin de garantir la liberté à tous les journalistes, et la cessation des messages d’intimidation à leur encontre;

– la libération de tous les citoyens, hommes et femmes, jugés ou détenus sur la base du décret 54;

– le retour des hommes et femmes forcés à l’exil, avec la garantie qu’ils ne seront pas poursuivis judiciairement;

– l’arrêt de l’emploi des moyens et capacités de l’État dans la campagne électorale, tout en cessant le contrôle sur les médias publics et privés et en leur apportant des garanties pour une pratique journalistique à la même distance de tous les candidats, hommes et femmes.

Traduit de l’arabe.

Les signataires :

– Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme

– Association Tunisienne des Femmes Démocrates

– Association pour le Droit à la Différence

– Association Tunisienne pour les Droits et les Libertés

– Le Pont Genève

– Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles

– Aswat Nissa

– Intersection pour les Droits et les Libertés

– Comité pour le Respect des Libertés et des Droits en Tunisie

– Instance Nationale pour la Défense des Libertés et de la Démocratie

– Al-Bawsala

– Association Nomad 08

– Bayti

– Tighar Moatana Monassafa

– Union des Diplômés Chômeurs

– Ponts de la Citoyenneté

– Association Femme et Citoyenne de Kef

– Parti Al-Qotb

– Parti Républicain

– Parti des Travailleurs

– Courant Démocratique

– Parti Démocrate pour le Travail et les Libertés

– Parti Socialiste.

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