Tout ceux au fait de la seconde guerre mondiale connaissent l’obsession qu’entretenait Adolf Hitler à l’encontre de l’Union Soviétique, et son désir de la détruire et d’en exploiter les richesses. C’est une obsession comparable qui semble animer Benjamin Netanyahu dans sa recherche frénétique de d’affronter l’Iran afin de remodeler le Moyen-Orient selon les exigences stratégiques israéliennes.
Dr Mounir Hanablia *
Les événements dans la région sont en train de prendre une tournure dramatique. Avec l’écrasement de Gaza, le bombardement massif du Liban, les milliers de victimes et les centaines de milliers de réfugiés, l’invasion et l’annexion du Sud Liban qui s’annoncent, la colonisation à outrance des territoires palestiniens, le soutien indéfectible de l’administration Biden, la politique d’assassinats frappant tous ceux qui s’opposent à la politique coloniale et belliciste d’Israël, sous le prétexte d’éliminer les terroristes, et surtout les menaces répétées de Netanyahu contre le régime de Téhéran.
Objet de dures sanctions internationales depuis plus d’une décennie, l’Iran ne pouvait plus ignorer la réalité des nouveaux dangers qui désormais l’entourent, ni s’abstenir d’y réagir. Il a donc frappé le territoire israélien en lançant, hier, mardi 1er octobre 2024, quelques centaines de missiles contre des objectifs militaires dont on ignore s’ils ont causé des dégâts importants. Quelques heures auparavant deux hommes armés avaient ouvert le feu dans une station de bus à Tel Aviv faisant 8 morts. Aussitôt le gouvernement israélien réuni pour la première fois dans un bunker souterrain a annoncé qu’il y aurait une riposte et que l’Iran regretterait son attaque, à quoi les autorités iraniennes ont annoncé de nouvelles attaques bien plus dures en cas de représailles.
Une escalade militaire recherchée
L’heure est donc à l’escalade militaire. Il est à parier que les Israéliens, forts du parapluie militaire américain, n’hésiteront pas à tenter d’éliminer des membres importants du gouvernement iranien, sinon le gouvernement iranien dans sa totalité, ni à frapper des cibles civiles à Téhéran ou ailleurs. Frapperont-ils les installations pétrolières vitales à l’économie iranienne ainsi que l’avaient fait les Irakiens pendant la première guerre du Golfe? C’est la grande question, mais il faut se souvenir du caractère vulnérable des champs gaziers israéliens de Kimish et Natanz au large du Liban. Et les installations nucléaires iraniennes étant dispersées aux quatre coins du pays, il est douteux que toute action militaire les visant soit couronnée de succès, au moins durablement.
La grande question concerne évidemment l’attitude américaine. Les Israéliens estiment l’occasion propice à un changement de régime à Téhéran qui les débarrassera définitivement de leur ennemi juré, dont l’éventualité de la possession par lui de l’arme nucléaire constitue pour eux une perspective inquiétante. Ils savent que sans l’engagement militaire américain, autrement dit des frappes aériennes massives sur tout le territoire suivies d’une invasion terrestre, à l’instar des scénarios des deux guerres du Golfe de 1991 et 2003, les chances d’y parvenir demeurent faibles. Malgré les déboires américains en Irak et en Afghanistan, cette éventualité est à prendre au sérieux.
Les Iraniens se sont en effet montrés capables de menacer la navigation en mer Rouge et tiennent dans la ligne de mire de leurs missiles les États du Golfe arabo-persique, le détroit d’Ormuz, ainsi que les installations pétrolières américaines ultra importantes de Dhahran en Arabie Saoudite. Toute action contre l’Iran aura donc inévitablement des conséquences sur les prix du pétrole et du gaz au moment même où la guerre en Ukraine prive l’Europe de gaz Russe et la soumet à des contraintes militaires et financières sans précédent.
Cependant la classe politique américaine dans son ensemble ne s’est jamais autant rangée derrière les thèses jusqu’au-boutistes israéliennes. Cela semble même relever idéologiquement du fondamentalisme messianique chrétien protestant américain, dont le sionisme constitue une part essentielle. C’est à eux que Benjamin Netanyahu s’adressait du haut de la tribune de l’Onu lorsqu’il parlait de la guerre évoquée par la Bible entre les fils de la lumière (les juifs) et ceux des ténèbres (les musulmans), entre le bien et le mal. Ce qu’il a omis de mentionner, mais que tout chrétien sioniste a compris, c’est que cette guerre est censée hâter la venue du Messie. Ce sont ces fondamentalistes chrétiens qui l’avaient accueilli triomphalement lors de son discours devant le Congrès américain.
La passivité du troupeau arabe
Mais ainsi qu’on l’aura compris, l’enjeu de la guerre actuelle est beaucoup plus terre à terre que le retour du Messie, c’est évidemment le corridor qui reliera Israël à l’océan Indien à travers la péninsule arabique et que le Premier ministre israélien a une nouvelle fois appelé des ses vœux en brandissant une carte géographique lors de sa célèbre harangue à l’Onu. Les Iraniens avaient voulu en empêcher la réalisation en s’engageant dans la guerre, parce qu’il reviendrait à marginaliser leur pays, et à unir contre lui les Arabes menés par Israël en un bloc hostile et menaçant.
Etant donné l’importance de l’enjeu et la puissance lobby sioniste américain, il est à craindre que l’intérêt des Européens, la justice pour les Palestiniens, la paix à Gaza, la sécurité des Libanais ou des otages israéliens, tout cela ne pèse que de peu de poids face aux excités et aux va-t-en -guerre qui peuplent la Maison Blanche et le Pentagone.
Dans tout cela, la passivité du troupeau arabe face au boucher israélien et au cow-boy américain, a de quoi étonner. Il ne faudra pas s’y tromper, ce sont les Arabes qui au final financeront l’effort de guerre américano-israélien contre l’Iran, ainsi qu’ils l’avaient fait en Irak. Celui qui oublie d’où il vient ne sait pas où il va…
* Médecin de libre pratique.
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