Les Arabes et la Palestine : impuissance, mensonge et vidéo

Jamais depuis la fin de la guerre d’octobre 1973 et les accords de Camp David, les divisions des Etats arabes n’ont été aussi profondes et leur impuissance aussi grande que depuis le déclenchement de la guerre israélienne contre Gaza, le 7 octobre 2023.

Dr Abderrahmane Cherfouh *

Au treizième mois de la plus barbare guerre d’agression enregistrée dans l’histoire et contre un «peuple frère», la coquille vide de la Ligue des États arabes, qui n’existe plus qu’à travers des réunions sporadiques et des slogans creux et inadaptés, a enfin daigné se manifester en, en interpellant le Conseil de sécurité des Nations unies pour qu’il prenne en considération les revendications du peuple palestinien.

Dans cet  appel, la Ligue reconnait que l’objectif de l’État sioniste c’est d’écraser le peuple palestinien par tous les moyens : bombardements, massacres, colonisation, annexion, etc.

La question qui mérite d’être posée est la suivante : pourquoi cette réaction tardive, treize mois après le début des massacres perpétrés par Israël à Gaza ? Et pourquoi avoir attendu la destruction presque totale de cette enclave palestinienne, devenue un cimetière à ciel ouvert, pour lancer ce pathétique appel qui ne sera d’ailleurs suivi d’aucun effet?

«La Ligue des États arabes a appelé le Conseil de sécurité, la communauté internationale et tous les acteurs à assumer leurs responsabilités, à faire pression sur Israël pour qu’il cesse l’agression israélienne et à l’obliger à introduire toute l’aide humanitaire qui répond aux besoins des habitants de la bande», indique la Ligue dans son appel. «La Déclaration de Balfour reste une blessure inouïe à la conscience humaine, pour ce qu’elle a causé au peuple palestinien», ajoute la Ligue, tout en soulignant que l’occupant sioniste continue de «violer, coloniser, judaïser, annexer, bloquer et détruire les valeurs de la vie du peuple palestinien».

Les puissants et les figurants

La Ligue des Etats arabes appelle la communauté internationale à «reconnaître l’État palestinien, conformément à la solution à deux États» et à «faire pression sur Israël, puissance occupante, pour qu’il mette fin à ses crimes et violations continus contre le peuple palestinien, sa terre et son caractère sacré.»

Première erreur : la cible et l’auditoire. Car enfin ce Conseil de sécurité et la communauté internationale qu’il croit représenter sont depuis longtemps dépassés par les événements et ne jouissent plus d’aucune crédibilité. C’est une fiction savamment entretenue qui ne représente plus ni ne défend sérieusement le droit international. Car, nous savons tous qu’au sein de l’Onu, ce droit international est dicté et défini par cinq États dont les représentants siègent en permanence au Conseil de sécurité. Pis encore : ils bénéficient du droit de véto, faisant ainsi de tous les autres pays de simples figurants et faire-valoir.

Deuxième erreur : mettre en relief avec trop d’insistance le rôle du Royaume Uni, où la fameuse Déclaration de Balfour à l’origine de la création de l’Etat d’Israël a été faite il y a plus d’un siècle, pour l’amener à corriger son erreur et à revenir à une meilleure appréciation de la situation au Proche-Orient qu’il a largement contribué à morceler. C’est oublier ou feindre d’oublier que ce pays est membre permanent de l’Onu et l’un des complices patentés de l’État génocidaire d’Israël au même titre que les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et la France, et par conséquent, il ne peut être à la fois juge et partie.

Cette réaction tardive des dirigeants de la Ligue des États arabes est, en réalité, un aveu d’impuissance et d’absence totale de stratégie commune face aux forces d’agression américano-sionistes qui ne font qu’exécuter un plan commun de destruction du monde arabe dans son ensemble.

Inaction, soumission et complicité

Troisième erreur : depuis le 7 octobre 2023, les références à la légalité internationale ont été balayées d’un revers de la main par cet Occident dominateur et à sa tête les États-Unis, et quand la Ligue des Etats arabes insiste dans son appel sur le respect du droit international pour contrer les agressions sauvages visant à exterminer le peuple palestinien, cela signifie soit qu’elle est myope et naïve soit qu’elle cherche à se ménager hypocritement une sortie moins déshonorante au regard des peuples de la régions. En réalité, ses Etats membres cherchent à éviter toute confrontation directe avec les forces américano-sionistes par faiblesse, par lâcheté ou par calcul malsain.

Nageant à contre-courant de la volonté des peuples qu’elle est censée représenter et prise dans un tourbillon de mensonge et de mauvaise foi, cette Ligue des Etats arabes tente vainement par son dernier appel à redorer son blason terni par l’inaction, la soumission et complicité avec les forces destructrices à l’œuvre dans la région. Elle est clairement incapable de manifester sa totale solidarité avec le peuple palestinien comme l’ont fait les peuples arabes, en dépit des trahisons de leurs dirigeants, dès les premiers instants de l’agression sioniste contre Gaza.

A y voir de plus près, jamais depuis la fin de la guerre d’octobre 1973 et les accords de Camp David, les divisions des Etats arabes n’ont été aussi profondes et leur impuissance aussi grande que depuis le déclenchement de la guerre israélienne contre Gaza, le 7 octobre 2023. Certains de ces Etats entretiennent même des relations, et pas seulement diplomatiques, avec l’entité sioniste et pour eux la cause palestinienne arrive au second plan. Aussi le mythe de l’«unité arabe» longtemps entretenue par des slogans creux a-t-il laissé place à une amère désillusion et les luttes fratricides ont fini par éclater au grand jour.

* Médecin algérien basé au Canada.

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