Il aura fallu dix-sept ans pour que Hafsia Herzi retrouve la scène des César en tant que lauréate. Révélée en 2007 par ‘‘La Graine et le Mulet’’ d’Abdellatif Kechiche, qui lui avait valu le César du meilleur espoir féminin, l’actrice et réalisatrice d’origine algéro-tunisienne a conquis, vendredi 28 février 2025, la récompense suprême du cinéma français: le César de la meilleure actrice pour son interprétation magistrale dans ‘‘Borgo’’, thriller intense signé Stéphane Demoustier.
Djamal Guettala
Dans ce rôle, Hafsia Herzi incarne Mélissa, une surveillante de prison évoluant dans l’univers âpre et confiné de la prison de Borgo, en Corse. À travers son regard, le film explore les tensions insulaires et les enjeux du milieu carcéral avec une précision rare. Son jeu, d’une justesse implacable, lui a permis de s’imposer face à des actrices de renom : Adèle Exarchopoulos (‘‘L’Amour ouf’’), Karla Sofía Gascón et Zoe Saldaña (‘‘Emilia Pérez’’), ainsi qu’Hélène Vincent (‘‘Quand vient l’automne’’).
Sur la scène du Théâtre du Châtelet, émue mais maîtrisée, elle a tenu à saluer le travail de son réalisateur : «J’ai adoré ce personnage, merci Stéphane !» avant de rendre hommage à son agent et surtout à sa mère, figure centrale de son parcours, à qui elle avait déjà dédié ‘‘Bonne Mère’’, son deuxième long-métrage en tant que réalisatrice.
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Une actrice habitée, une réalisatrice affirmée
Si Hafsia Herzi brille devant la caméra, elle s’impose également derrière, poursuivant un chemin d’une grande cohérence. Après ‘‘Tu mérites un amour’’ (2019), sélectionné à la Semaine de la critique à Cannes, elle réalise ‘‘Bonne Mère’’ (2021), portrait poignant d’une femme de ménage marseillaise, qui lui vaudra le prix d’ensemble ‘Un certain regard’ au Festival de Cannes.
Pour habiter son rôle dans ‘‘Borgo’’, elle a mené une immersion au sein de la prison des Baumettes à Marseille, rencontrant surveillants et détenus grâce à l’association Lieux fictifs. «Je voulais aller à la rencontre de la profession», confiait-elle dans La Provence en avril dernier. «Nous avons échangé autour du cinéma, des conditions de détention, du quotidien derrière les murs. C’était une expérience profondément marquante», a-t-elle ajouté.
À 37 ans, Hafsia Herzi inscrit son nom parmi les figures incontournables du cinéma français. À la fois actrice et réalisatrice, elle construit, film après film, une œuvre qui puise dans le réel, dans les marges et les silences. Son César, loin d’être un aboutissement, marque l’affirmation d’une artiste dont la trajectoire continue de fasciner.
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