Le mouvement Maga (Make America Great Again), fer de lance des campagnes électorales du président américain Donald Trump, semble évoluer et se projette dans l’avenir. Il s’est mué de fan club de Trump en un mouvement politique avec pour colonne vertébrale le nationalisme chrétien. Donald Trump s’efface peu à peu au profit de Jésus qui semble devenir la nouvelle figure de proue des sympathisants Maga.
Imed Bahri
Dans une tribune publiée par le journal électronique américain Daily Beast, l’auteur et homme de médias David Rothkopf a exploré une évolution remarquable au sein du mouvement Maga en l’occurrence, le déclin progressif du rôle du président Donald Trump au profit d’une vision plus explicite fondée sur le nationalisme chrétien et l’extrémisme religieux.
L’auteur estime que ce tournant a été incarné par la cérémonie commémorative du défunt activiste Charlie Kirk qui s’est tenue dimanche dernier dans un stade de l’Arizona.
Bien que la cérémonie ait été officiellement consacrée à la mémoire de Kirk, assassiné le 10 septembre lors d’un événement à l’Université de la Vallée de l’Utah, elle s’est avérée être le rassemblement le plus important des dirigeants du mouvement depuis l’investiture de Trump.
Pour la première fois, Donald Trump n’était pas au centre de l’attention. En fait, il semblait presque hors de propos, en décalage avec le ton et l’accent clairement mis sur l’avenir de la droite dans la politique américaine.
Outre la présence dominante de Kirk, les voix les plus marquantes lors de l’événement étaient celles de sa veuve, Erica Kirk, et du vice-président J. D. Vance.
Jésus comme symbole fédérateur
Le discours d’Erica Kirk fut le moment le plus émouvant de l’événement. Elle pardonna publiquement au meurtrier de son mari mais elle en profita également pour dépeindre l’avenir du mouvement en utilisant des termes explicitement religieux.
Le discours de Vance fut le plus marquant parmi les hauts responsables de l’administration Trump qui prirent la parole. Rothkopf pense que cela s’explique par le fait qu’il était le plus proche de Kirk et aussi le plus proche du discours d’Erica.

Contrairement à Trump, qui s’exprimait en politicien traditionnel, les discours d’Erika et de Vance ressemblaient davantage à ceux de télévangélistes, exprimant clairement le message: l’avenir du mouvement Maga réside dans le nationalisme chrétien, dont Jésus, et non Trump, deviendrait le symbole fédérateur.
Rothkopf reconnaît que ce changement peut à première vue apparaître comme une évolution positive, passant d’une figure dominée par «la corruption et le vice» comme Trump à un modèle idéal fondé sur la vertu.
Influence des mouvements évangéliques
Il estime que ce changement reflète la trajectoire naturelle de la droite américaine qui s’appuie désormais sur des mouvements évangéliques de plus en plus influents auprès des politiciens, juges et analystes républicains, comme le dominionisme, qui considère que l’Amérique est une nation chrétienne et doit être dirigée par des dirigeants chrétiens selon les principes chrétiens.
Toutefois, il prévient également que ce changement comporte de sérieux risques, le premier étant que tous les Américains ne sont pas chrétiens, ni même religieux, et que l’un des principes fondateurs des États-Unis est la séparation de l’Église et de l’État.
L’auteur ajoute que l’histoire du télévangélisme américain est marquée par la corruption et que de nombreux chefs religieux ont déjà considéré Trump comme un «instrument du pouvoir divin», une figure quasi religieuse à part entière, révélant ainsi de profondes contradictions.
Christianisme, charlatanisme et escroquer
Rothkopf estime que sans douter un seul instant de la sincérité des convictions de nombre des personnes présentes à la commémoration de Kirk, ou de celles qui adhèrent au christianisme sous ses multiples formes, force est de constater la présence de charlatanisme et d’escroquerie chez d’éminents dirigeants religieux qui reprennent les approches et les abus de Trump lui-même. Par conséquent, il semble que l’Amérique est sur le point de remplacer un type d’escroquerie hypocrite par un autre.
Il rappelle qu’il est difficile de nier que le désir de nombreux participants à la commémoration est de reformuler les objectifs de la droite non pas en termes de mérites politiques mais en termes qui, au-delà de leur rhétorique de tolérance et de liberté d’expression, définissent leurs adversaires comme mauvais ou en disgrâce auprès des puissances célestes. Certains, comme le conseiller de Trump, Stephen Miller, par exemple, ont été explicites à cet égard.

Rothkopf considère qu’une telle approche laisse présager la transformation de l’Amérique, d’un pays politiquement divisé en un pays religieusement divisé, avertissant que donner un nouveau visage au mouvement Maga, même s’il s’agit du visage de Jésus lui-même, ne le purifiera pas d’autres défauts tels que le racisme ou la misogynie.
Ainsi, même si les noms des protagonistes et certains de leurs discours changent, l’essence du mouvement Maga, elle, ne changera pas. S’approprier le langage de Jésus ou de la Bible ne sanctifiera pas non plus ceux qui nourrissent la haine ou la cupidité.
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