Professeur Mohamed Salah Ben Ammar est actuellement à Paris, en France, non pas pour un congrès ni pour du tourisme, mais pour… travailler. N’est-ce pas une triste réalité ?
Par Dr Abdou Kefi *
Ayant fait ses études de médecine et obtenu son diplôme en 1985 à la faculté de médecine de Broussais-Hôtel-Dieu (Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris-VI), Mohamed Salah Ben Ammar intègre la Faculté de médecine de Tunis où il devient médecin spécialiste en anesthésie-réanimation en 1987 puis professeur hospitalo-universitaire à partir de 1998. De 1992 à 2011, il est le chef du service d’anesthésie-réanimation-SMUR au CHU Mongi Slim de la Marsa.
A partir de 2011, son ambition politique a pris un essor. Il a ainsi été successivement directeur général de la Santé de 2011 à 2013, puis, en mai 2013, directeur général de l’Instance nationale de l’accréditation en santé. Le 29 janvier 2014, il est nommé ministre de la Santé publique dans le gouvernement Mehdi Jomaa. Poste qu’il occupe jusqu’au 6 février 2015.
Evidemment, comme son prédécesseur et son successeur à la tête de ce ministère boueux, il n’a lancé aucun projet et ni osé aucune restructuration. Il s’est juste employé à accabler les jeunes médecins fraîchement diplômés et à leur barrer la route du succès dès le début dans le métier. Pourtant, les problèmes du secteur ne manquaient pas : l’activité privée complémentaire (APC), véritable gangrène du système de santé tunisien, protégée par un lobby professoral, l’état lamentable et désastreux des structures hospitalières publiques, l’absence d’infrastructure hospitalière dans les gouvernorats longtemps défavorisés, l’absence de loi et de réglementation des cliniques privées… Aucun de ces problèmes n’a hélas été mis sur la table ni réglé de quelque manière que ce soit.
Professeur Ben Ammar, ayant fini son mandat de ministre de la république tunisienne, a quitté le pays auquel il avait juré fidélité. Et il est allé s’installer à Paris, en France. Il est actuellement praticien hospitalier contractuel au service d’anesthésie de l’hôpital Avicenne dans le département Seine-Saint-Denis (93).
Comment peut-on accepter une telle dégradation, car c’en est une ?
Professeur Ben Ammar, comme plusieurs médecins et chefs de services de sa génération, toutes spécialités confondues, n’a fait que créer un empire de sable, tombé en ruine dès son départ. Il n’a pas su, à l’instar de ses collègues occidentaux, s’entourer de ses meilleurs éléments pour créer une véritable équipe et perpétuer l’art d’enseigner la médecine moderne. A l’époque où il faisait la pluie et le beau temps au sein du Collège d’anesthésie-réanimation, il avait empêché des promotions entières de médecins anesthésistes résidents de finir leur cursus en France ou ailleurs pour se perfectionner et découvrir la médecine européenne de pointe. Il a tout fait pour faire pression de diverses façons sur ses collègues chefs de services français pour qu’ils ne prennent pas les candidats tunisiens aspirant à ces années de perfectionnement.
Site web « Le Médecin » (France).
Son argument récurrent est que tous les médecins anesthésistes tunisiens, qui partent pour se former en France, y restent. Ce qui est totalement faux. La majorité finit par rentrer en Tunisie au bout de 3 ou 4 ans.
Son autre thèse est que les quatre facultés de médecine en Tunisie et leurs différents CHU sont capables et bien équipés pour former et perfectionner leurs étudiants et futurs médecins. Pur fantasme, comme on le sait. Car ni les facultés ni les services hospitalo-universitaires ne sont en nombre suffisant et les médecins dits «universitaires» n’ont la compétence requise – à l’exception de quelques vrais professeurs auxquels beaucoup de jeunes praticiens doivent leur salut.
Professeur Ben Ammar n’a pas arrêté de marteler, des années durant, que les zones défavorisées du pays ont besoin de médecins spécialistes et que la population qui souffre le martyre a le droit à une médecine de qualité et de proximité. Ce qui est vrai. Reste une question qui vient d’emblée à l’esprit : pourquoi n’a-t-il pas rejoint lui-même un hôpital régional dans l’un des gouvernorats défavorisés pour y travailler et donner ainsi l’exemple? Cela aurait-il été très dégradant pour un professeur comme lui?
«Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais» serait, peut-être la devise du Professeur Ben Ammar, qui a préféré, à 61 ans, quitter la Tunisie pour aller travailler en France comme médecin contractuel et être payé en euros.
Pire encore : il se permet encore de donner des leçons de patriotisme en prenant à partie certains collègues qu’il croise, parfois, en France, en leur conseillant de rentrer dans leur pays qui a besoin d’eux.
Aurait-t-il oublié qu’eu égard ses hautes fonctions antérieures, il a, par sa décision de s’exiler en France, porté un coup au prestige de l’Etat tunisien ?
* Médecin.
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