Une récente étude démontre que la libération de la production d’huile d’olive pourrait limiter dangereusement la souveraineté de l’eau en Tunisie.
Par Imed Bahri
Selon l’office national de l’huile (ONH), une progression annuelle de la production entre 20 et 30% et une diversification des débouchés d’exportation pourraient porter les exportations tunisiennes d’huile d’olive à plus de 200.000 tonnes au cours de la nouvelle saison 2017/2018.
Dans ce cadre, l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE) a publié un article en anglais consacré à l’impact de la libéralisation de la production d’olives et d’huile d’olive, non seulement du point de vue économique classique, mais aussi en élargissant l’analyse à une perspective politico-écologique qui prend en compte des problématiques liées aux ressources en eau et à leur souveraineté.
L’article intitulé ‘‘Trade Liberalization and the Olive Oil Sector: The Case of Virtual Water’’ est écrit par Sahar Mestour, International Political Economy Graduate (TBS, 2017) et Junior Policy Analyst.
Production d’huile d’olive et irrigation intensive
L’auteure y examine le secteur agricole tunisien en mettant l’accent sur l’irrigation intensive nécessitée par la production d’olives et d’huile d’olive pour analyser les défis d’une libéralisation potentielle de l’agriculture dans le cadre de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) entre la Tunisie et l’Union européenne (UE).
Son but : combler une lacune dans un domaine jusqu’ici sous-étudié concernant l’impact de la libéralisation sur la production d’olives et d’huile d’olive, non seulement du point de vue économique classique, mais aussi dans une perspective politico-écologique, celle des ressources en eau et de la souveraineté de l’eau.
Ce dernier aspect revêt une importance particulière étant donné que la production d’olives et d’huile d’olive peut nécessiter une utilisation intensive de l’eau. Avec la poursuite de la libéralisation, la stratégie et les politiques du gouvernement prévoient la d’intensifier l’irrigation dans le secteur de la production d’olive et d’huile d’olive.
Un modèle d’agro-exportation largement dépassé
L’intensité de l’utilisation de l’eau dépend du type d’oliveraie et de la méthode d’irrigation utilisée. Les trois méthodes les plus répandues sont l’hyper-intensive, l’intensive et la sèche. Les deux premières méthodes d’irrigation – intensives et hyper-intensives – nécessitent au moins 2000 litres d’eau virtuelle pour un kilogramme d’huile d’olive – et ne sont pas durables pour un pays aride comme la Tunisie, souligne l’auteure.
Or, depuis l’indépendance de la Tunisie, en 1956, la politique agraire de la Tunisie a été un modèle d’agro-exportation qui ne prend pas en compte les ressources en eau. Ce modèle a atteint ses limites puisque la Tunisie est au seuil du stress hydraulique.
L’eau tunisienne est à la fois subventionnée et rare, aussi est-elle sous-estimée en tant qu’intrant vital dans l’estimation du coût de production et dans l’établissement du prix des olives et l’huile d’olive tunisiennes.
L’article de Sahar Mestour examine l’impact probable d’une libéralisation accrue sur l’industrie oléicole tunisienne, en essayant d’évaluer les avantages économiques liés au commerce de l’huile d’olive tunisienne sur le marché européen et si ces avantages compensent ou non les pertes en eau associées aux olives irriguées de manière intensive et à la production d’huile d’olive.
L’auteure découvre ainsi que l’énorme quantité d’eau nécessaire à l’industrie oléicole de la Tunisie entrave les maigres ressources hydrauliques du pays et grève son budget puisqu’elle subventionne l’eau d’irrigation et supporte un coût d’opportunité d’exportation de plus de 45 millions de dinars tunisiens (MDT). Ce même coût d’opportunité d’exportation est, par ailleurs, partagé par d’autres produits agraires exportés à forte intensité d’eau tels que les tomates, les melons, etc.
Par conséquent, une libéralisation potentielle du secteur agricole tunisien limiterait davantage le pouvoir du gouvernement et sa capacité à déterminer, évaluer et gérer avec précision ses modèles. Aussi l’auteure conclue-t-elle qu’une telle libéralisation constituerait une menace pour la souveraineté locale de l’eau en Tunisie.
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