Les trois clubs locomotives du championnat tunisien de football, EST, CA et ESS, sont encore en rodage. Leurs dirigeants et supporters sont perplexes.
Par Hassen Mzoughi
Dans un match insipide, dimanche 3 décembre 2017, disputé sur une pelouse dans un état lamentable (gazon non tondu) qui a compliqué la tâche des deux équipes (le stade de Radès était pourtant fermé pendant un mois pour renouveler la pelouse), l’Espérance sportive de Tunis (EST) a gagné sans convaincre alors que le Club africain (CA) n’a pas démérité sur le plan de l’application et de la tenue physique, mais il s’est incliné finalement sur deux erreurs de l’arbitrage.
L’EST a été avantagée en obtenant un penalty inexistant, avec, en «cadeau bonus», un penalty évident refusé au CA sur une faute de main de Saad Bguir à quelques secondes de la pause.
Lors de son dernier match contre l’Espérance sportive de Zarsis (ESZ), l’EST a obtenu un penalty sur une faute identique d’un défenseur adverse. Certes les erreurs font partie du jeu et la bonne foi est établie, mais difficile de nier que l’arbitre Mohamed Chaabane et son assistant Anouar Hmila ont influé sur le résultat final du derby disputé en présence du seul public «sang et or», les supporters clubistes ayant boycotté le match pour un quota insuffisant de tickets.
Prudence de Faouzi Benzarti
L’Espérance a obtenu 3 points et c’est tout. Même le penalty transformé par Ferjani Sassi (41’) a été timidement fêté par les joueurs. Les «Sang et or» ont gagné sans être rassurés. Leurs supporters, très remontés contre eux et… Faouzi Benzarti, ont, à la fin du match, lancé différents projectiles à l’entrée du tunnel.
En l’absence de Taha Yassine Khenissi et Anice Badri, qui donnent le tempo offensif, Faouzi Benzarti a opté pour la prudence, avec 4 pivots (Ferjani Sassi, Gailene Chaalali, Frank Kom et Fousseny Coulibaly) auxquels s’ajoute Saad Bguir en phase défensive.
Le jeu de l’EST s’en est ressenti avec notamment une remontée laborieuse du jeu. En plus en seconde mi-temps, les «Sang et or» ont baissé le rythme, conséquence de la succession de deux matches par semaine. Mais les supporters sont intransigeants.
Bref un leader invaincu (28 points) mais loin de convaincre ses fans. Cette animosité est d’un anachronisme sans fin. La situation rappelle l’équipe dirigée par Ammar Souayah, entre 2015 et janvier 2017. L’EST était leader du championnat mais les supporters n’ont jamais apprécié le niveau de jeu de leur équipe. Le public avait fait le forcing pour «dégager» Ammar Souayah, qui a été remplacé par Faouzi Benzarti.
Ammar Souayah serait-il dans l’antichambre, attendant le premier signal pour un éventuel retour sur le banc de l’EST, d’autant que l’homme a récemment esquivé le CA et l’Etoile sportive du Sahel (ESS)? Ce serait un splendide retournement de situation. Le chasseur chassé en somme !
Le bon état d’esprit du CA
Le CA, en revanche semble se satisfaire de la petite accalmie depuis que ses supporters ont compris qu’ils ont tort de continuer à enquiquiner les joueurs. Le départ de Marco Simone a sans doute calmé le jeu mais il faut tout de même saluer la bonne attitude des joueurs clubistes.
Hier à Radès, ils n’ont jamais dépassé les limites permises. Il faut saluer aussi Kamel Kolsi pour sa retenue et son fair-play, ne cherchant guère à «taper» sur l’arbitre.
Ce derby a hélas causé bien des dommages au CA qui a perdu Manoubi Haddad pour trois mois, victime d’une fracture du pied en raison du mauvais état du gazon, et Ahmed Khalil touché à la cheville. Deux forfaits qui viennent s’ajouter à celui d’Ibrahim Chenihi.
Le CA a été bien présent contre l’EST et a opté pour un pressing costaud, sans toutefois être entreprenant à l’image des deux latéraux Mokhtar Belkhither et Ali Abdi, trop cloitrés dans leur zone. Mais lorsqu’ils se sont décidés, en seconde période, à prendre l’initiative dans le jeu d’attaque, Belkhither et Abdi ont posé de gros problèmes à l’arrière garde «sang et or» et apporté un précieux soutien à Saber Khalifa et Mootaz Zemzemi.
Le CA a souhaité un déclic à la faveur de ce derby. Mais ce n’est pas grave. Les joueurs ont affiché un très bon état d’esprit et joué leur chance à fond. Le résultat n’est pas arrivé pour une erreur humaine, mais les Clubistes doivent garder la confiance.
ESS : donner la chance aux jeunes
L’ESS n’est pas lui aussi en meilleure posture que le CA ou l’EST. Il ne semble pas encore en possession de tous ses moyens. Hier à Metlaoui, l’ESS a toutefois montré quelques bons signes grâce à la bonne prestation des jeunes nouvellement lancés (notamment le défenseur Omrani et le milieu offensif Baayou). Espérons qu’ils ne retourneront pas rapidement chez les réservistes. Les grands clubs ne se décident à donner la chance à leurs jeunes que dans l’urgence. Ce qui n’est pas la bonne recette pour leur progression.
L’ESS peut remonter son retard et rivaliser cette saison pour le titre à la condition d’insuffler du sang neuf et de stabiliser le groupe en écartant des éléments qui ne peuvent plus apporter le plus. Le potentiel est là, reste la stabilité administrative qui doit favoriser une mise à niveau pour ne pas perdre encore un temps utile.
L’ESS a été mené dès la 17e minute (but de Borhen Hkimi) mais ses tentatives vont aboutir 40 minutes après grâce à une égalisation de Yassine Amri sur balle arrêtée. L’ESS reste 5e avec 17 points, avec seulement 2 points d’avance sur l’ESM et le Stade tunisien (ST).
Voilà finalement trois clubs locomotives à la croisée des chemins. Il leur faut trouver la bonne recette pour se dégager de la phase de doute.
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