Alors que ses homologues algérienne et marocaine, la Sonelgaz et l’Office national marocain d’électricité, sont en train d’exporter leur excédent d’électricité, la Société tunisienne d’électricité et de gaz (Steg) continue d’accabler le contribuable tunisien par les surcoûts induits par la mauvaise gestion et la corruption.
Par Khémaies Krimi
Deux jours avant le démarrage des travaux de réalisation de la centrale d’électricité de Mornaguia (ouest de Tunis), les communiqués publiés par l’écrasante majorité des médias ont parlé de «mise en exploitation de la centrale». Entendre par là que les travaux de réalisation ont été achevés et que la centrale est entrée en phase de production d’électricité. Il suffit de faire le tour des sites électroniques pour s’en convaincre.
En fait et au regard des images diffusées par la télévision, il s’agit bien d’un simple démarrage des travaux, voire à la limite de la pose de la première pierre comme on dit.
La question qui se pose dès lors est de se demander sur la partie qui a cherché à fournir aux médias cette fausse information et à induire en erreur l’opinion publique.
A priori, cette partie serait la Steg qui a toujours évité de communiquer, avec transparence, sur ce dossier qui serait compromettant pour plusieurs de ses directeurs.
Pour preuve, en dépit de l’importance de cette centrale (15% de la production d’électricité du pays), l’actuel ministre de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, Khaled Kaddour, n’a pas daigné présider la cérémonie de démarrage des travaux. Il a dépêché pour cette mission son second, le secrétaire d’État chargé des Mines, Hachemi Hmidi.
Pour leur part, les syndicats de la Steg ont constamment et, jusqu’à ce jour, dénoncé l’opacité des appels d’offres lancés par leur entreprise et les divers s abus qui entachent leurs passation.
Ils ne sont pas, d’ailleurs, les seuls à le penser. De l’avis d’institutions d’appui et de contrôle crédibles, dont la Cour des comptes, l’Ordre des experts-comptables et l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), la Steg est l’exemple type d’entreprise publique non transparente et mal gérée.
Des présomptions de corruption
Pour mémoire, la centrale de Mornaguia, d’une capacité totale de 600 mégawatts aurait du être inaugurée il y a exactement deux ans, c’est-à-dire en 2016. Ce retard est du à des présomptions de corruption qui ont entouré les résultats d’un premier appel d’offres.
Soumis à l’approbation de la Commission supérieure des marchés (CSM), comme le stipule la loi, cette dernière a rejeté, purement et simplement, les résultats de cet appel d’offres et demandé le lancement d’un autre et la révision du cahier des charges. Pour la Commission, l’écart entre les deux offres est énorme. Ses experts n’ont pas été convaincus des justificatifs techniques de la Steg.
Pis, la direction générale de la Steg de l’époque (2015-2016) s’était entêtée, jusqu’à l’ultime minute, à défendre le dossier du candidat allemand Siemens qui avait proposé un investissement de 470 millions de dinars tunisiens (MDT) pour la réalisation de la centrale de Mornaguia, alors que le candidat italien en lice, en l’occurrence le groupe italien Ansaldo Energia qui vient de remporter ce marché, avait proposé 350 MDT, soit une différence de 120 MDT, de quoi construire une nouvelle centrale.
La direction générale de la Steg avait prétexté que Siemens répondait le mieux sur le plan technique au cahier des charges.
Les conséquences du retard sont désastreuses
Les incidences de ce retard sont désastreuses pour l’Etat tunisien et pour le contribuable en raison des surcoûts qu’il a générés.
Deux impacts méritent qu’on s’y attarde.
Le premier est perceptible au plan de la production. Ce retard a privé la Tunisie d’une capacité de 600 mégawatts qui aurait pu éviter au pays, non seulement, les nombreuses coupures de courant dont souffrent actuellement plusieurs villes du pays mais également l’importantes sorties de devises pour importer d’Algérie et du Maroc de quelque 300 mégawatts pour subvenir aux besoins du pays en électricité au cours de la période estivale en cours.
Le second impact a trait aux surcoûts générés au niveau de l’endettement par l’effet de l’effondrement, depuis avril 2017, du dinar par rapport aux monnaies d’investissement et d’endettement (-25% en l’espace de 15 mois).
La centrale étant financée par deux crédits garantis par l’Etat tunisien d’un montant global de 663 MDT. Le premier (263 MDT) est accordé par le Fonds saoudien du développement, tandis que le second (400 MDT) est fourni par la Banque islamique de développement (BID).
Au final, nous ne pouvons que déplorer ces dérapages d’une entreprise publique comme la Steg d’autant plus que ses homologues algérienne et marocaine, la Sonelgaz et l’Office national marocain d’électricité, ont hélas, fait mieux qu’elle. Elles sont en train d’exporter leur excédent d’électricité en devises, ce qui dit long sur l’incompétence et l’impunité qui prévaut dans cette boîte publique devenue une enseigne de mauvaise gouvernance.
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