Afghanistant | La realpolitik remet en selle les talibans!

Alors que les talibans appliquent la charia dans sa forme la plus stricte et ont instauré une répression implacable, la communauté internationale y semble complètement indifférente mais pire, chacun essaye aujourd’hui de tirer son épingle du jeu avec les maîtres de l’Afghanistan. Les pays européens obsédés par la question migratoire veulent expulser les Afghans en situation irrégulière. Quant aux grandes puissances, elles ne se soucient que de leurs propres intérêts et du maintien de leur influence. Qu’il est loin le temps où les talibans étaient considérés comme des parias mis au ban des nations ! Aujourd’hui, ils discutent avec tout le monde. 

Imed Bahri

Selon le Washington Post, les talibans ont une opportunité diplomatique de s’affirmer sur la scène internationale, compte tenu de la nécessité de répondre à la montée du sentiment anti-immigrés en Europe par l’expulsion d’Afghans vers leur pays d’origine, des inquiétudes concernant la montée des mouvements terroristes comme l’EI en Asie centrale et de la reconnaissance croissante de l’improbabilité d’un effondrement du mouvement à court terme.

Un régime taliban «plutôt coopératif»

Bien que de nombreux pays voisins de l’Afghanistan ne reconnaissent pas officiellement le régime taliban qui dirige le pays depuis quatre ans, le journal américain note, dans une enquête de ses envoyés au Pakistan Rick Noack et Shaiq Hussain, que ces pays ont trouvé des moyens et des mécanismes de coopération avec le mouvement pour diverses raisons et intérêts.

Le WP cite le chef de la lutte antiterroriste de la Maison-Blanche Sebastian Gorka déclarant le mois dernier que le régime taliban était «plutôt coopératif», tandis que l’Allemagne a accrédité deux fonctionnaires talibans du ministère des Affaires étrangères comme agents consulaires à l’ambassade de leur pays en Allemagne où réside la plus grande communauté afghane d’Europe et où il est beaucoup question d’expulsion d’Afghans en situation irrégulière. Déjà le gouvernement allemand a annoncé le 18 juillet 2025 avoir expulsé 81 Afghans. L’Onu avait demandé l’arrêt immédiat du renvoi forcé de tous les réfugiés et demandeurs d’asile afghans. C’est la deuxième opération, la première a eu lieu durant l’été 2024 à l’époque du précédent gouvernement social-démocrate dirigé Olaf Scholz. 

Trump : «Les talibans ont besoin de nous»

Sur un autre front, le président américain Donald Trump a donné un nouvel élan à cette dynamique en déclarant que son pays s’efforçait de reprendre la base aérienne de Bagram en Afghanistan aux talibans affirmant : «Ils ont besoin de nous».

Avant les déclarations de Trump concernant la base, Washington concentrait ses efforts avec les talibans sur la coopération antiterroriste et la libération des Américains détenus en Afghanistan.

À cet égard, le représentant spécial américain pour la question des otages Adam Boehler s’est rendu à Kaboul en mars pour obtenir la libération de son compatriote George Gleisman, et la semaine dernière, il a effectué une deuxième visite en Afghanistan.

Le journal américain estime que l’engagement actuel des acteurs internationaux avec les talibans les conduit à considérer ce mouvement comme un partenaire de négociation incontournable.

À cet égard, l’ancien ministre pakistanais des Affaires étrangères Aizaz Ahmad Chaudhry a déclaré : «Les talibans sont traités comme les dirigeants de l’Afghanistan, même s’ils n’ont pas encore été officiellement reconnus».

Concernant le contexte de cette activité diplomatique, le WP explique que chaque pays a ses propres motivations face aux talibans. En Europe, les appels à l’expulsion des migrants afghans vers leur pays se multiplient, ce qui nécessite l’approbation des talibans.

D’autre part, de nombreux pays, dont les États-Unis, partagent le même ennemi que les talibans: l’État islamique (EI) qui opère à la frontière afghano-pakistanaise sous le nom de «province du Khorasan»

Pour les pays voisins, l’Afghanistan est une importante plaque tournante du commerce terrestre et un point de passage incontournable.

Commentant ces relations naissantes entre les talibans et plusieurs acteurs internationaux, Michael Kugelman, chercheur principal à la Fondation Asie-Pacifique, basée au Canada, a déclaré qu’elles représentent une victoire stratégique significative pour les talibans.

Le journal ajoute toutefois que la sortie de l’isolement des talibans reste fragile, soulignant que de nombreuses ambassades à Kaboul restent fermées, signe de la prudence des gouvernements étrangers. Parallèlement, la Chine tarde à investir en Afghanistan dans des projets d’infrastructures similaires à ceux qu’elle a mis en œuvre ailleurs dans la région.

La Chine et la Russie gardent leurs distances

Sur le plan diplomatique, la Chine agit en fonction de ses propres intérêts. Elle a notamment parrainé un accord d’échange d’ambassadeurs entre l’Afghanistan et le Pakistan, conclu par les représentants des deux pays lors d’une réunion à Pékin en mai, après des années de relations dégradées.

Ce rapprochement était motivé par des intérêts interdépendants. L’Afghanistan, à qui un accord commercial était proposé dans le cadre de cet accord, cherchait à attirer des investissements économiques pour contourner les sanctions occidentales et réduire ses besoins en aide internationale.

Quant à la Russie, seul pays à reconnaître le régime taliban, la sécurité est le principal facteur déterminant ses relations avec Kaboul. Cette situation s’inscrit dans un contexte de préoccupations sécuritaires accrues depuis que Moscou a été témoin l’an dernier de la mort de plus de 130 personnes lors d’une attaque menée par des combattants de l’EI contre une salle de concert.

Concernant la reconnaissance internationale officielle, le WP estime qu’il est peu probable que les talibans obtiennent une majorité aux Nations Unies pour leur accorder cette reconnaissance, ce qui leur permettrait de récupérer des milliards de dollars d’avoirs afghans gelés et d’obtenir un siège dans les institutions internationales et dans les conférences de donateurs.

En revanche, le journal note que les talibans réalisent d’importants progrès diplomatiques dans plusieurs pays européens où de nombreuses missions afghanes restent ouvertes. Bien que certaines sont encore dirigées par des représentants de l’ancien gouvernement, les Talibans s’efforcent de les récupérer et s’assurent que leurs affidés prennent le contrôle de ces missions.

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