La comédie musicale libanaise ‘‘Moulouk Tawaef’’, écrite il y a près de 20 ans par Mansour Rahbani, a été présentée pour la première fois le soir du lundi 15 juillet 2019, dans le cadre de la 55e édition du Festival international de Carthage.
Par Fawz Ben Ali
C’est certainement le plus beau et le plus grand spectacle de cette nouvelle édition du Festival international de Carthage qui a choisi de programmer ‘‘Moulouk Tawaef’’ (Les Taïfa) pour deux soirées de suite, afin de permettre à un plus grand nombre de festivaliers de découvrir cette œuvre magistrale, écrite par Mansour Rahbani en 2003, et mise en scène par Marwan Rahbani, également coproducteur avec Oussama et Ghadi Rahbani.
Les Rahbani, pionniers des comédies musicales arabes
Dix ans après la disparition du grand Mansour Rahbani (13 janvier 2009), le Festival de Carthage nous a offert un spectacle comme on en voit très rarement dans le monde arabe, une comédie musicale de deux heures et demie, magistralement écrite, mise en scène et interprétée, et qui demeure très actuelle.
‘‘Moulouk Tawaef’’ est un voyage dans l’histoire de l’Espagne médiévale et des royaumes musulmans des Taïfa en Andalousie. Une œuvre intemporelle où se croisent la grandeur et la décadence de la civilisation arabe, dans une mise en scène époustouflante qui fait du Théâtre romain de Carthage une partie intégrante du spectacle, avec un décor amovible d’un tableau à l’autre, et où tous les arts de la scène se mêlent dans une scénographie digne des plus grandes comédies musicales internationales, il faut dire que les Rahbani en sont les pionniers dans le monde arabe, et la nouvelle génération de Marwen, Oussama et Ghadi Rahbani à qui on a passé le flambeau n’ont pas démérité, la preuve en est avec cette nouvelle production de ‘‘Moulouk Tawaef’’ dont les deux personnages principaux sont joués par Ghassen Saliba et Hiba Tawaji.
Musique, chant, danse, jeu théâtral, art visuel et poésie ont rythmé cette comédie musicale qui tient sa force d’une grande esthétique et surtout une réelle connexion avec ce qui se passe actuellement dans le monde arabe. La division, la faiblesse économique et militaire des califes font clairement écho aux actuels dirigeants politiques, une critique acerbe des politiques arabes et d’une mémoire ivre des victoires passées et en totale déconnexion avec son présent.
Une leçon d’histoire
Les deux protagonistes principaux Ghassen Saliba dans le rôle du roi de Séville et Hiba Tawaji qu’on voit en fille du peuple dont le destin bascule lors d’une rencontre sur la rivière avec le roi qui en tombe amoureux et en fait sa reine, sont d’une justesse et d’un charisme énormes.
L’acteur et chanteur libanais Ghassen Saliba qu’on surnomme le Julio des arabes, a été comme toujours magistral; il s’agit de l’un des fidèles habitués du théâtre musical de la famille Rahbani, dont le premier rôle remonte l’année 1977 dans ‘‘Petra’’.
Quant à Hiba Tawaji, elle revient pour la deuxième année consécutive sur la scène de Carthage après y avoir fait un carton plein en solo l’année dernière. Depuis qu’elle s’était fait connaître grâce au télé-crochet français The Voice en 2015, plus rien n’arrête la jeune chanteuse libanaise à la voix aussi puissante que sensuelle, qui a même réussi à décrocher le rôle d’Esméralda à la comédie musicale française ‘‘Notre Dame de Paris’’, succédant à Hélène Ségara.
Dans un point de presse donné avant le spectacle, la troupe libanaise a exprimé son enchantement de présenter ‘‘Moulouk Tawaef’’ dans sa version intégrale au public tunisien, soulignant que la comédie musicale a souvent été censurée dans le monde arabe, et c’est d’ailleurs aussi pour ça qu’elle a été rarement présentée, car «nous n’acceptons pas de faire de concession», soulignent les Rahbani.
Conquis, le public tunisien a réservé un standing ovation aux talentueux chanteurs, comédiens et danseurs de la troupe libanaise qui nous a offert une vraie leçon d’histoire ornée d’une esthétique soignée et dans une trame tragique retraçant l’histoire d’un royaume destiné à la division, à l’occupation puis au déclin.
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