Dans ce coup de gueule intitulé «J’accuserais…», l’auteur reproche, et le mot est faible, aux candidats de la famille dite centriste et moderniste de se présenter en rangs dispersés et de n’avoir pas constitué un front commun face aux obscurantismes et aux populismes rampants.
Par Mohamed Ridha Bouguerra *
Comme beaucoup de nos concitoyens, je me projette déjà dans le second tour des élections présidentielles anticipées. Et comme beaucoup de nos concitoyens encore, j’appréhende le scénario catastrophique où nous serions mis dans l’obligation,
qu’à la Providence ne plaise, d’avoir à choisir entre des programmes et lignes politiques aussi sympathiques que la peste et le choléra.
Allons-nous être amenés à choisir entre la peste et le choléra
Dans ce cas précis et qui n’est pas, hélas, une simple vue de l’esprit mais une probabilité mathématique, j’accuserais, tout d’abord, Mmes Selma Elloumi et Abir Moussi, et MM Youssef Chahed, Abdelkarim Zbidi, Mehdi Jomâa, Néji Jalloul, Mohsen Marzouk, Elyès Fakhfakh et tutti quanti, d’avoir placé leur ego surdimensionné ou les intérêts de leur propre parti avant celui de la patrie.
Je les accuserais, et l’histoire les accusera également, de n’avoir pas privilégié la constitution d’un front commun, seule stratégie, en l’occurrence, capable d’endiguer la vague qui nous aurait apporté la peste et le choléra !
J’accuserais, ensuite, la frange irresponsable de nos concitoyens qui se seraient vendus, et auraient, en même temps, bradé, malheureusement, le pays et l’avenir de leurs descendants pour un vil plat de lentilles ou, plus exactement, pour un couffin de macaronis et une boîte d’harissa ou de concentré de tomate !
J’accuserais, aussi, les prêcheurs en eau trouble qui, outrepassant les devoirs de leur fonction, n’auraient cessé d’adresser, chaque vendredi, des consignes, tantôt subliminales, tantôt clairement ouvertes, pour l’élection à la charge suprême de celui que l’on aurait présenté comme quasiment l’élu ou le porte-parole de Dieu sur terre.
Des mafiosos à l’assaut du Palais de Carthage
J’accuserais, encore, tous les lobbyistes qui s’étaient ligués afin que ne soit pas signée par feu le président Béji Caïd Essebsi la loi interdisant à un mafioso traînant des casseroles grandes comme des chars de la Seconde Guerre Mondiale de se porter candidat à l’élection présidentielle.
J’accuserais les députés qui ont rédigé et voté une loi électorale si imparfaite que des délinquants et évadés fiscaux et autres hors-la-loi à la fortune aux origines douteuses osent, sans rire, venir nous donner des leçons de morale et, comble du ridicule, faire montre de prétention de devenir les futurs gardiens du temple !
J’accuserais, enfin, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) de n’avoir pas trouvé une parade juridique pour refuser la présentation par procuration du dossier de candidature à l’élection présidentielle d’un citoyen non seulement fuyant la justice de son pays mais qui n’a pas, non plus, déclaré à ce jour ses biens et avoirs.
Mais, finalement, le pire n’étant, heureusement, jamais assuré et étant toujours évitable, je préfère parier sur la maturité et le sens des responsabilités de nos compatriotes. À l’instar de nombreux d’entre nous, j’ose espérer que nous serons capables d’un sursaut salvateur et, ainsi, nous éviter d’avoir à choisir entre la peste et le choléra ! Ainsi nous ne serons pas mis au pied du mur avec obligation de porter à la tête de l’État soit un émigré fiscal aux accointances mafieuses, soit un candidat au logiciel datant du VIIe siècle et misant, selon ses propres dires, sur nos petits-enfants afin de mettre à exécution son dangereux programme passéiste.
* Professeur des universités, Docteur honoris causa de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand.
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