L’un des thèmes qui ont été abordés durant le débat entre les deux candidats à la présidentielle tunisienne, et qui semble revenir à la mode en ce moment, c’est celui de la criminalisation de la normalisation avec Israël.
Par Faïk Henablia *
Au-delà de la surenchère, somme toute normale autour de ce thème, électoralement porteur, de la question israélo-palestinienne, où nous avons appris, soit dit en passant, que nous étions en guerre, sans doute jusqu’au dernier Palestinien, dans l’esprit de son tenant, cette question délicate mérite mieux qu’une joute verbale, beaucoup plus destinée à la pêche aux voix qu’à la recherche sérieuse d’une solution.
Ne jamais oublier la vraie bonne idée de Bourguiba
Je fais partie d’une génération qui se souvient du célèbre discours de Bourguiba à Jéricho, poussant les Palestiniens à faire preuve de réalisme en cessant de refuser le fait israélien et les exhortant à ne pas céder aux émotions, si légitimes soient elles.
Bourguiba, qui avait d’ailleurs beaucoup plus embarrassé les Israéliens par son attitude réaliste ayant pour effet de mettre à nu leurs véritables intentions coloniales et expansionnistes, jusque-là habilement dissimulées par une propagande mettant en avant les discours enflammés des dirigeants arabes de l’époque voulant jeter les juifs à la mer.
J’en reviens à cette question de la criminalisation de la normalisation, pour me demander ce que cela veut dire au juste.
Une autorité palestinienne est en place ayant des relations avec Israël et traitant avec lui au quotidien. Leurs rapports sont ce qu’ils sont, mais peuvent évoluer.
Evitons d’entraver notre action diplomatique
En clair, si demain Mahmoud Abbas décide d’entamer des négociations avec un gouvernement israélien modéré, au moyen d’une conférence internationale par exemple, et que nous sommes invités à y participer, nous refuserions au motif qu’une loi criminalise la normalisation et que nos négociateurs risqueraient des poursuites judiciaires?
Il faudrait donc attendre qu’une autre loi vienne défaire ce que la première aurait énoncé et ceci, bien entendu, avec la célérité légendaire de notre Assemblée des représentants du peuple (ARP) ?
Les Palestiniens, premiers concernés par ce drame, entretiennent des rapports avec Israël; faut-il donc être plus royalistes que le roi et nous interdire ce qu’eux-mêmes s’autorisent ?
Voudrions-nous entraver et gêner notre action diplomatique que nous ne nous y prendrions pas autrement.
Comment ne pas voir que c’est précisément ce type d’argument qui alimente et entretient les thèses extrémistes, malheureusement majoritaires aujourd’hui en Israël et qui n’en ont d’ailleurs pas besoin?
J’en reviens au discours de Bourguiba de 1965 : à cette époque, Jéricho était sous souveraineté arabe. Depuis, les prédécesseurs et mentors idéologiques des tenants de la criminalisation de la normalisation sont passés par là et, plus de cinquante ans plus tard, Bourguiba n’est toujours pas compris. Bien au contraire, ces thèses continuant malgré tout de susciter l’enthousiasme du «peuple qui veut».
Thèses qui, avec l’islam politique, se révèlent être les véritables fossoyeurs de la cause palestinienne.
* Gérant de portefeuille associé.
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