Les gauchisants, en Tunisie comme partout ailleurs, ont de bonnes raisons de résister aux diktats des organisations financières internationales, trop libérales à leur goût, mais ils ne doivent pas sombrer dans l’autisme et le repli sur soi mortifère au risque d’enfermer davantage la Tunisie dans la récession et la crise.
Par Mohamed Sadok Lejri *
J’ai apprécié le passage du vice-président du Groupe de la Banque mondiale pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord, un certain Ferid Belhaj, hier soir, jeudi 5 décembre 2019, sur El Hiwar Ettounsi. Je ne le connaissais pas du tout auparavant. Ce monsieur a vraiment la classe et a expliqué des choses qui valent la peine d’être comprises. Il fait partie de ces cadres tunisiens qui sont reconnus à l’échelle internationale et qui donnent une bonne image de la Tunisie.
J’ai toujours contesté le monde de la finance et le pouvoir incommensurable des banques. Ces dernières doivent leur existence à un système fondé sur la dette, laquelle installe de facto un rapport de subordination avec les citoyens. L’on a tendance à oublier que les banques ne font que louer l’argent qui circule dans l’économie. Ensuite, les gens passent leur vie à travailler pour rembourser le «service» que leur rendent les banques. Inutile de nous éterniser là-dessus. Passons.
L’école de la bonne gouvernance économique
En revanche, les institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), sont diabolisées à outrance, depuis quelques années, en Tunisie. Je comprends qu’une organisation socialisante comme l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) n’est pas en odeur de sainteté avec les institutions susnommées car elle s’inspire du modèle socialiste et se présente comme un pôle de résistance à la mondialisation impérialiste. Mais ces institutions en question ont pour mission la croissance de l’entreprise et de l’investissement privés. Elles ne jurent que par l’efficacité et le développement économique.
Il faut avouer que la BM, par exemple a, depuis sa création au lendemain de la seconde guerre mondiale, aidé certains pays sous-développés à améliorer la gestion de leurs affaires économiques en donnant à leurs principaux administrateurs une occasion d’élargir leur champ de connaissances et, par conséquent, leur champ d’action.
La Tunisie fait partie des pays qui ont bénéficié pendant longtemps des programmes de formation et d’assistance chapeautés par la BM, ou plutôt par les cinq institutions qui la représentent, à savoir la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird), le Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), l’Association internationale de développement (Ida), l’Agence multilatérale de garantie des investissement (Miga)…
Ces actions sont de nature à contribuer efficacement au développement économique des pays dans le besoin.
La BM prodigue également des conseils aux pays emprunteurs pour qu’ils utilisent les crédits qu’ils obtiennent de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible. Bien entendu, elle fait la part belle aux initiatives des capitaux privés et s’inscrit en faux contre les positions étatistes et le dirigisme économique.
Quoi qu’on en dise, ces institutions préviennent les Etats emprunteurs de certaines erreurs. Elles les préviennent des expansions économiques qui peuvent entraîner une forte inflation monétaire; elles les aident, bon an mal an, à concilier les exigences contradictoires de l’élévation du niveau de vie et du maintien d’un degré raisonnable de stabilité économique ; elles les préviennent de certaines imprudences qui peuvent être commises en matière de politique économique…
Une logique libérale d’une rigueur implacable
Je comprends l’hostilité des gauchisants (syndicalistes ou autres) à l’égard de la BM et du FMI. Ces derniers essayent de créer un cadre favorable à l’esprit d’entreprise individuelle, cherchent des capitaux privés et explorent les possibilités d’investissements privés. Ils encouragent les gouvernements à trouver des ressources privées et mettent la pression sur eux pour que les capitaux soient transférés au secteur privé.
Même si tout ce qui est proposé par la BM et le FMI est intellectuellement délimité et défini d’avance, et ce, selon une logique libérale d’une rigueur implacable, la Tunisie devrait sérieusement tenir compte des suggestions formulées par ces institutions.
En effet, la BM comme le FMI ne manquent jamais de rappeler à l’Etat tunisien qu’il n’est pas tenu d’exploiter certaines entreprises industrielles, on peut prendre l’exemple de la Régie nationale du tabac et des allumettes (RNTA) évoqué par Ferid Belhaj sur le plateau de Myriam Belkadhi, et ne doit pas s’acquitter des tâches que les entreprises privées peuvent accomplir.
Oui, il faut savoir dire non aux diktats de la BM et du FMI… Sans sombrer dans l’autisme et le repli sur soi mortifère. Tendons-leur l’oreille et soyons attentifs à leur discours.
* Universitaire.
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