Il y a quelques semaines, le train entre Tokyo et Kyoto fauta de quelques minutes de retard; le lendemain le ministre des Transports a été remercié. Cela ne risque pas d’arriver en Tunisie, constate l’auteur de ce témoignage sur une mésaventure vécue avec un train de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT). Edifiant…
Par Farouk Ben Miled *
Fuyant les inconvénients de la route et le dimanche, j’ai décidé de prendre le train pour aller visiter à Ghardimaou le musée de Chemtou, bijou d’architecture construit par la coopération allemande. Accompagné de Chadlia, la gardienne de la zaouia, une amitié de 50 ans, employant systématiquement et sans complexe le masculin à la place du féminin, et confondant toujours Ghardimaou avec Ain Draham, alors qu’elle connaît parfaitement les Emirats et Singapour.
J’embarque vers 10 heures du matin dans une rame supposée deux classes, mais vendue entièrement comme une classe de première. Le contrôleur interpelé fronça méchamment les sourcils sans daigner nous répondre. Syndicat oblige.
Au bout de deux heures de trajet, le train s’immobilisa en pleine campagne, à environ 80 km de Tunis, pour manque d’eau dans les radiateurs ! Les roues bloquées par deux gros cailloux.
Un voisin, fellah généreux, nous envoie deux bidons d’eau avec un cordage, car le bouchon de remplissage se trouve sur le toit de la voiture. Le conducteur prétextant son embonpoint et ses vêtements neufs refusa d’y grimper sans échelle. Un jeune passager sportif le fit à sa place à la courte échelle sous les quolibets des voyageurs.
Toujours en civil, l’arrogance initiale du contrôleur a disparu, mais pas sa suffisance. Finalement, au bout de 3 heures de pique-nique champêtre, le train suivant nous déposa à Béja, heureux que nous étions d’avoir échappé aux épisodes sinistres des déraillements en série.
Seul regret dans tout ça l’absence de Jacques Tati.
De Béja, un véhicule de louage aux amortisseurs inexistants, majorant pour la circonstance de 50% son tarif, conduit par un jeunot habillé à la Travolta, nous ramena à Tunis, le téléphone scotché à l’oreille comme d’ailleurs le reste des passagers et conduisant d’une seule main !
Ah mon cher Pdg comme j’aurais voulu vous voir sur le toit de votre train à la place de ce jeune volontaire !
Mon cher Pdg, si vous savez combien votre fauteuil s’avère trop grand pour vous, et combien vous déshonorez le pavillon national accroché derrière vous.
Je vous propose sincèrement d’exiger vos droits à la retraite fusse-t-elle anticipée et qui vous attend d’ailleurs, en n’oubliant pas surtout pas de rendre votre limousine et son chauffeur .
Pour votre gouverne, sachez qu’il y a à peine quelques semaines, le train entre Tokyo et Kyoto fauta de quelques minutes de retard; le lendemain le ministre des Transports a été remercié.
Autre pays, autres mœurs
* Architecte D.P.L.G.
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