Pour se donner la chance de réussir comme la Chine dans sa lutte contre la pandémie du coronavirus, la Tunisie doit resserrer le confinement chez soi et surtout donner les moyens à la population pour le faire.
Par Dr Lilia Bouguira *
Monsieur le ministre de la santé.
Je vous ai déjà écrit et je vous écrirai encore tous les jours s’il le faut.
Le corona frappe chaque jour plus de personnes en Tunisie. La courbe est en réelle ascension. Jusqu’à hier, samedi 28 mars 2020, 278 cas positifs et 8 morts par le covid. Les chiffres sont en dessous de la réalité vue l’insuffisance de tests et leurs faux négatifs. Tout le monde a eu son mot à dire expert et non expert. Chacun ayant le droit de s’exprimer parce que nous sommes en démocratie et qu’il y va de nos vies et de celles des êtres chers.
Monsieur,
La question n’est pas aux procès d’intention parce qu’il y a menace véritable sur 12 millions d’habitants.
Nos trois présidents (de la république, de l’assemblée et du gouvernement, Ndlr) ont eu le courage d’imposer le couvre-feu puis le confinement. Seulement, les gens continuent à sortir non pas par insouciance ni insubordination mais pour faire leurs courses au quotidien. Ramener à manger les laisse courir le risque. C’est pour cela que les mesures prises restent insuffisantes et vouées à l’échec.
Nous voulons tous éviter à notre pays ce qui est arrivé en Chine et leurs 4000 morts de Wuhan. Nous voulons éviter les 10.000 morts de l’Italie ainsi que ceux de la France et des autres pays partout où les autorités ont agi tard ou insuffisamment.
Agissons selon le modèle asiatique, et surtout chinois qui nous ressemble. Les Chinois ont essayé la quarantaine mais au bout de 3 semaines, ils ont compris que les gens ne suivaient pas pour les mêmes raisons que les nôtres. Dès lors des mesures drastiques ont été déployées. Ils ont tout arrêté et le confinement strict a été imposé. 60 millions de personnes ont été confinés dans leurs appartements. Aucune entrée ni sortie. En même temps, ils ont isolé les personnes malades covid dans de grands stades ou espaces et aucune possibilité de sortir qu’une fois guéries. Ils ont isolé en même temps les personnes suspectes dans des hôtels. En même temps, ils ont tenu les gens dans leur maison par l’armée en leur assurant leur subsistance. La nourriture leur a été distribuée par rationnement par les militaires. Tout a été mis en place et quadrillé par l’armée.
Les médecins et tout le corps médical sauvegardés par des mesures de protection également drastiques. Masques, blouses, sur-blouses, combinaisons à chaque manipulant, ainsi que des SAS de décontamination pour tout usager de la santé.
Un service de récupération des déchets drastique. Un service municipal pour les ordures draconien. Rien n’a été laissé pour compte.
Il n’y a pas eu un seul ministre qui agissait mais tous les ministres sous la coupe de l’armée. Trois mois et la pandémie jugulée.
Monsieur le ministre, nous n’avons pas les mêmes moyens de la Chine ni ceux de la Corée du Sud qui a vulgarisé les tests covid à tous et a réussi à maîtriser la contagion par GPS en isolant tous les covid plus et les suspects.
Toutes les expériences asiatiques se rejoignent. Tous les échecs dans les autres pays de la planète se confondent.
Depuis, beaucoup se rangent à l’exemple chinois. L’Italie par exemple. Elle a accusé certes 10.000 pertes mais là le nombre de cas fléchit depuis que les Chinois sont arrivés à la rescousse et que le confinement absolu a été instauré.
Dimanche 22 mars, le nombre de nouveaux contaminés journalier a «chuté» à 3.957, puis le lendemain il était de 3.780 et, enfin, hier, samedi 28 mars, ce chiffre s’est «stabilisé» à 3.612. Trois jours consécutifs de diminution dans cet indicateur de la progression de la pandémie, ça n’avait simplement jamais eu lieu depuis au moins un mois. L’Italie gagne timidement sa guerre contre le covid.
Nous ressemblons aux Italiens dans tout. Nos mœurs, notre manière de vivre et d’agir mais aussi la manière prise dès le début pour faire face au virus. 40 % de la population italienne a continué à circuler, faisant circuler le virus et répandre l’épidémie. 8000 cas de signalement de personnes circulant en dépit de l’interdiction. Si l’on compare la Tunisie à l’Italie selon la propagation du virus. Le premier cas de contamination est apparu en Italie le 31 janvier. Au bout de 10 jours, il s’est multiplié par 2000. En Tunisie, premier cas le 2 mars. Dix jours après, nous avons compté 13 cas. Puis au 10 mars, l’Italie a opté pour le confinement sauf urgences vitales, le nombre de personnes atteintes est de 10.000 personnes avec 600 décès. Au 27 mars, le taux des nouveaux cas commence à fléchir. Il est de 7 pour cent depuis 3 jours. Le taux de létalité reste des plus élevés compte tenue de plusieurs facteurs dont la démographie et le vieillissement de la population. L’Italie a resserré depuis ses mesures en suivant les mouvements des Italiens grâce aux opérateurs téléphoniques et en optant pour le dépistage de masse.
En Tunisie au 27 mars, le nombre est de 278 cas avec 8 décès. Le confinement est rentré en vigueur depuis le 20 mars. À cette date, le pays a compté 20 cas.
Après une semaine, il compte 278 cas avec 8 décès. Le taux de propagation quotidien en Tunisie est en effet semblable, voire bien supérieur à celui des pays aujourd’hui durement touchés par l’épidémie.
L’OMS estime en moyenne le taux de létalité par le Covid-19 à 3,4%, sur la base des cas déclarés. Selon cette moyenne et le taux de propagation déclaré de l’épidémie en Tunisie, près de 30 décès pourraient être enregistrés à la fin du mois de mars et plus de 1.200 à la mi-avril.
Cette tendance dépend principalement de la rapidité du dépistage et particulièrement au dépistage de masse, des capacités du système de santé à soigner les cas graves et des mesures prises pour limiter le taux de contamination.
Monsieur le ministre, la Tunisie n’a ni les moyens ni le temps pour risquer toutes ces vies. Il faut resserrer le confinement chez soi et surtout donner les moyens à la population pour le faire. Il faut leur en donner les moyens. L’armée doit refaire respecter l’ordre. Rationner comme en temps de guerre. Un service d’ordre municipal pour ramassage des ordures hermétiquement collectés. Passer au dépistage massif. Créer en urgence un hôpital covid où seront traités les malades. Réquisitionner les hôtels pour héberger les cas suspects. Réquisitionner les hôtels pour les médecins et le personnel soignant. Agir et agir rapidement est notre seul salut et il est entré vos mains.
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