Une information assez inhabituelle, se rapportant à un projet d’attentat contre des membres de la Garde nationale de Tataouine, a été largement reprise par les médias nationaux. Cet attentat a heureusement été déjoué grâce à la vigilance des agents, et aux mesures de prophylaxie sanitaire limitant l’accès du public aux postes de police et de garde nationale.
Par Dr Mounir Hanablia *
Ce n’est malheureusement pas la première fois que cela serait arrivé. Ce qui paraît hors du commun, c’est que l’attentat projeté visait à contaminer les forces de l’ordre au Covid-19 en usant de toux, éternuements, et expectorations. C’est du moins ce qu’aurait avoué un membre de la mouvance salafiste jihadiste au cours de son interrogatoire par les forces de l’ordre.
Evidemment, cet incident souligne à première vue la détermination des terroristes à infliger le plus de pertes possibles aux services de sécurité, quitte à mettre en danger pour cela la vie de l’ensemble des citoyens du pays.
Un changement radical dans la doctrine jihadiste du sacrifice
En effet, les agents remplissent dans des conditions très difficiles leurs devoirs de faire respecter les nécessités de la lutte contre la propagation du virus par des citoyens souvent réticents et demeurent évidemment largement exposés au risque infectieux. De cela, nul ne disconviendra. Ce qui paraît en revanche digne d’intérêt, c’est cette idée «diabolique» de diffuser subrepticement le virus à l’intérieur du poste, sans attirer l’attention. Cela détonne déjà avec l’habitude largement répandue chez les jihadistes de sacrifier leurs vies en tuant les mécréants.
Chez ces jihadistes-là, un changement assez radical serait ainsi survenu dans la doctrine du sacrifice, relativement à la nécessité de tuer leurs ennemis, certes, mais sans pour autant emprunter les voies du trépas et de la résurrection menant aux vierges du paradis. On aurait ainsi un nouveau type de terroristes, les tousseurs, et les cracheurs, qui seraient certes plus soucieux de sacrifier les vies des autres que les leurs propres.
Sauf à considérer une contamination volontaire au Covid-19 pour mourir de sa belle mort après avoir pollué les «Taghoutis» (comme les jihadistes appellent les forces de l’ordre), il serait malheureusement plus facile d’user d’un couteau ou d’un camion bélier pour arriver à ses fins, et surtout, beaucoup plus rentable en termes de terreur, et de publicité, de le faire, du moment que dans tous les attentats terroristes, la mise en scène ait toujours primé. Car plus que de tuer il s’agit de faire peur, sinon un poison ferait mieux l’affaire. Et qui soupçonnerait qu’un agent de la garde nationale décédé d’une forme grave de Covid-19 l’ait été du fait de l’éternuement d’un pervers?
Le réseau terroriste de la guerre microbiologique
Evidemment on ne connaîtra pas les circonstances exactes qui ont amené ce prototype de terroriste à avouer et à dénoncer ses complices; cela s’est-il finalement passé dans le poste qu’il cherchait à contaminer? A-t-il toussé et craché à la face des enquêteurs, au point que ceux-ci aient fini par soupçonner la vérité ? Les enquêteurs étaient-ils protégés en l’interrogeant
Quoiqu’il en soit le coupable a avoué et dénoncé son cheikh, auteur de la fatwa fatale, sur le caractère licite de la toux à la face du policier, en période de Covid-19. Et fort heureusement, le réseau terroriste de la guerre microbiologique opérant à Tataouine a été démantelé, et ses membres confiés à la brigade anti-terroriste. Mais de cette affaire née malheureusement en grande partie des incertitudes que nous traversons et des peurs qui nous taraudent, il faut déjà bien réaliser que le comportement irresponsable d’une partie de nos concitoyens en fait beaucoup plus pour diffuser le plus largement le virus, que les délires oniriques de quelques pâles crapules.
Au-delà des risques indéniables encourus par les forces de l’ordre, ce qui est en jeu, ici, c’est une nouvelle définition du mot terrorisme. Il y a des gens qu’on est actuellement en train d’accuser parce qu’ils ont envisagé de tousser, d’éternuer, ou de cracher, s’ils ne l’ont pas fait, pour contaminer des agents. Qualifier ceci de terrorisme est déjà discutable, même si, telles que les choses ont été présentées, la malveillance des accusés envers les agents n’est nullement à exclure. Mais cette affaire risque de faire jurisprudence.
Faudrait-il dorénavant s’abstenir de céder à des besoins impérieux et naturels en présence des forces de l’ordre sous peine de se retrouver dans la position de l’accusé? Si c’est le cas ceci ouvrirait une boîte de Pandore, celle de déléguer aux représentants de l’ordre la latitude d’arrêter, eu égard aux actes les plus anodins, en se référant aux intentions de leurs auteurs.
Les musulmans en Inde accusés de mener le corona-jihad
En Inde, depuis le début de la pandémie, plus de 200 millions de musulmans sont accusés, pour des raisons politiques internes, de mener le corona-jihad, parce que 8000 d’entre eux avaient participé à une réunion légale, et que quelques uns parmi eux ont été contaminés et ont véhiculé l’agent vers leurs lieux de résidence.
Il ne faudrait pas que le contexte actuel de peurs inhérentes à la propagation de la pandémie, largement véhiculées par les médias, et ayant conduit à la suppression de nombreuses libertés publiques, telles celle de se déplacer ou de travailler, puisse servir à institutionnaliser un provisoire liberticide qui durerait, dont certains parmi nous ont toujours rêvé…
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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