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Mon après Covid-19 : La Chine, la Tunisie et la théorie de l’absurde

Il y a quelques jours, un de nos ministres nous apprend que le pont envisagé pour relier Djerba au continent, sur une longueur de 2,5km de bras de mer, soit dix fois plus long que celui de Bizerte qui lui ne fait que 250m de bras de mer, coûtera pourtant moins cher que celui-ci, grâce à la générosité d’une entreprise chinoise et notamment à la théorie de l’absurde, et des mathématiques qui marchent sur la tête.

Par Farouk Ben Miled *

En attendant que les Tunisiens ne soient devenus complètement débiles, leurs ministres y compris, je propose à son excellence monsieur l’ambassadeur de la République populaire de Chine, qu’au cas où cette information s’avère exacte, qu’il suggère à son gouvernement qu’il transforme ce projet inutile et inopportun par l’achèvement de l’autoroute du sud et de celle du nord, jusque leurs frontières respectives, projets beaucoup plus utiles.

Ou alors la réalisation de la ligne de chemin de fer Gabès-Ben Guerdane, projet dont la plateforme est disponible, et resté inachevé depuis le gouvernement de Mohamed Mzali.

Ou encore de fournir un laminoir à la société El-Fouledh pour transformer nos 500.000 tonnes de ferrailles en acier, et de recycler nos 5000 km de vieux rails pour compléter, optimiser et réhabiliter notre réseau ferroviaire et là, votre savoir-faire n’est pas à démontrer.

Ou la réalisation des trois grands barrages restants permettant à la Tunisie d’étancher sa soif et d’irriguer ses terres, notre faire-valoir, avec les eaux du nord grâce à votre science, millénaire, de l’irrigation.

Ou de nous doter d’une usine d’éoliennes et de panneaux solaires.

Ou de nous aider à mettre en exploitation Rjim Maatoug, Kalaat Jerda, ou le gisement de phosphates de Nefta, et surtout nous en acheter le produit à sa vraie valeur.

Ou de nous fournir un atelier de fabrication de wagons de voyageurs pour résoudre notre problème de transports interurbains.

Ou de nous associer à délocaliser dans le rade de Bizerte, sa vraie place, le projet en eaux profondes d’Enfidha, cette aberration programmée.

Ou de remettre en valeur l’arsenal de Menzel Bourguiba.

Ou de nous aider à équiper nos hôpitaux en matériel scientifique de point digne de notre médecine.

Mais aussi, jumeler nos universités avec leurs homologues chinoises, après les avoir équipées de centres de calculs ultra-rapides.

Ou nous installer la 5G et sa prolongation sur la transsaharienne, notre «route de la soie».

Cette liste n’étant pas exhaustive, tous ces projets ne sont que des formalités pour vos entreprises, ils peuvent cependant se concevoir dans un esprit gagnant-gagnant et être considérés déjà comme l’après-Covid-19 mais pour l’instant, monsieur l’ambassadeur, les bienfaits de vos acupuncteurs n’arrivent pas à nous faire avaler l’amertume de notre déficit commercial abyssal dû en partie à l’envahissement de notre vie quotidienne par les sous-produits de vos usines.

Evidemment, monsieur l’ambassadeur, ce programme n’est envisageable par votre gouvernement, et il aura raison, que lorsque chez nous la corruption sera éradiquée et les lobbys éventés, que le régionalisme, cette maladie ancestrale qui gangrène notre vie politique, sera dénoncée et reléguée, que le parti islamiste Ennahdha se contentera de sa vraie place, c’est-à-dire aucune, que nos milliers de médecins, ingénieurs, techniciens supérieurs et ouvriers qualifiés, reprendront leurs places ici, que les ouvriers décideront enfin d’aimer leur travail et les syndicats renonceront au chantage, que la chicha n’apparaîtra plus que sous forme de dessin sur les murs des salons de thé, que la presse restera toujours libre et surtout indépendante, et qu’enfin nos dirigeants leur pousseront de vraies couilles.

* Architecte D.P.L.G.

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