Dans un monde devenu dangereux, l’espoir de la survie de nos enfants, dans notre propre pays, la Tunisie, est désormais tributaire des moyens que nous mettrions entre les mais de nos jeunes chercheurs, qui ont prouvé, à l’occasion de cette crise sanitaire du Covid-19 qu’ils ne manquent pas de talent.
Par Dr Mounir Hanablia *
Mise à part la recherche sur les thérapies médicamenteuses efficaces contre le Covid-19, dont les essais sur le Remdesivir ont été plutôt décevants, la production de sérum à anticorps monoclonaux contre le Covid-19 semble désormais être à portée de mains, du moins en Hollande et en Israël. Il s’agit d’anticorps, en général des Immunoglobulines G, prêts à l’emploi, immédiatement efficaces contre le virus, sans déclencher le fameux orage à cytokines, potentiellement néfaste pour le malade.
C’est une perspective d’autant plus remarquable que le Covid-19 ne provoque habituellement que très peu de production d’anticorps immuns, pouvant assurer la protection du patient. Il faut donc croire que c’est à partir de l’étude du sérum de patients ayant guéri de la maladie que de tels anticorps ont pu être isolés puis répliqués.
La technique de la sérothérapie ouvre des pistes intéressantes
Il y a deux manières de le faire : soit en obtenant directement des répliques des anticorps appropriés une fois que la composition biochimique en a été révélée; soit en détectant, isolant, puis stimulant sur le génome du virus le site responsable de la fabrication de l’antigène viral susceptible de provoquer l’apparition d’anticorps au contact de cellules en culture de lymphocytes B fusionnées avec des cellules cancéreuses de myélome pour donner des hybridomes à multiplication infinie, et ces anticorps sont alors isolés par des techniques faisant intervenir leurs caractéristiques moléculaires (génie génétique).
La sérothérapie est une technique qui est pratiquée depuis longtemps, et empiriquement, dans des maladies comme le tétanos ou la rage, utilisant le sérum d’animaux (cheval, chien, souris…) préalablement infectés par le microbe considéré, qui est purifié, conditionné, puis injecté à l’être humain.
L’avantage par rapport à la vaccination est le gain de temps important dans les situations d’urgence nécessitant un effet immédiat contre l’agent infectant, contrairement au vaccin dont l’effet apparaît plus tardivement, mais est beaucoup plus durable. Son inconvénient est constitué par les phénomènes immuno-allergiques potentiels qui peuvent être immédiats (état de choc, œdème de Quincke, toxidermie…), mais l’utilisation d’anticorps mono clonaux peut déclencher des phénomènes tardifs (encéphalopathies, polyradiculo-nevrites).
Un risque biologique plus menaçant que le risque nucléaire
Evidemment les laboratoires de biologie moléculaire, de biochimie, et d’immunologie, les plus performants sont ceux qui possèdent une expérience de recherche préalable sur d’autres espèces virales. Il est significatif que ce domaine de la recherche dans un pays comme Israël soit placé sous la supervision du ministère de la Défense. Ceci témoigne d’une prise de conscience concernant dans le monde d’aujourd’hui l’existence d’un risque biologique majeur, beaucoup plus menaçant que le risque nucléaire, et que la pandémie au Covid-19 a révélé. Les implications stratégiques en sont pressantes. Désormais, il n’y aura plus besoin de faire la guerre par des moyens militaires, il suffira de lâcher un virus programmé pour s’attaquer au génome de l’adversaire, et contre lequel on aura préalablement vacciné sa propre population.
La Tunisie n’a pas su saisir l’opportunité de la crise du Covid-19
En Tunisie, malheureusement, malgré l’existence de chercheurs de valeurs que le séquençage du Covid-19 a révélés, il n’y a ni crédits pour la recherche, ni surtout l’indispensable coopération entre l’université, les milieux d’affaires, et le ministère de la Défense , afin d’en tirer profit pour assurer la sauvegarde du pays, tout en commercialisant les inventions nées de la recherche, dans un monde très compétitif, mais non dénué d’opportunités.
Il est douteux que les respirateurs de l’université de Sousse passent à la phase de la production industrielle, et le robot du ministère de l’Intérieur (surnommé Robocop) risque de n’être qu’un prototype de gadget impressionnant. Les jeunes talents, ignorés et découragés, prennent le chemin de l’exil. Nous n’avons pas pu profiter de cette crise pour exporter et faire face à la gigantesque demande mondiale en produits de santé.
Le Maroc, un pays avec lequel nous partageons une histoire et des traits culturels et humains communs, a lui su saisir l’opportunité, en devenant un grand exportateur de masques et de bavettes vers les pays européens.
C’est le climat politique et syndical délétère, ainsi que la pesanteur des procédures, qui tuent l’investissement, mais aussi à terme, dans un monde devenu dangereux, l’espoir de la survie de nos enfants, dans notre propre pays.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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