L’affaire Mongi Marzouk, car c’en est une, fait les gorges chaudes, depuis hier soir, samedi 30 mai 2020, dans les réseaux sociaux. Et pour cause : le ministre de l’Energie et des Mines est bloqué en France où il a débarqué en provenance de Tunis la veille de l’Aïd El-Fitr, voilà déjà huit jours.
Par Imed Bahri
M. Marzouk, dont on appréciera la conscience professionnelle (pour le patriotisme, on repassera une autre fois), a profité d’un vol de rapatriement de «Français» (sic !) bloqués en Tunisie pour rentrer «chez lui», à Paris, en faisant valoir son passeport français. Il devait voir sa famille à l’occasion de l’Aïd El-Fitr. C’est humain, diriez-vous. Mais c’est également ridicule. Car l’homme, en poste depuis le 28 février dernier, et qui n’a pas eu à se dépenser beaucoup depuis sa prise de fonction, confinement pour cause de pandémie de coronavirus oblige, s’est retrouvé bloqué à Paris après l’annulation de son vol de retour. Et il n’est même pas assuré de pouvoir rentrer au cours de la semaine prochaine.
Un comportement un peu trop léger
Dans un post publié hier soir sur sa page Facebook, ce ministre hors-sol, à distance ou délocalisé promet qu’à son retour à Tunis, il observera la période d’isolement sanitaire exigée par le ministère de la Santé et continuera à travailler à distance. La belle affaire ! On est donc censés être rassurés : il bosse, le bougre !
Reste que cette affaire dénote une certaine légèreté de la part de ce ministre qui déserte son bureau et part en voyage à l’étranger à un moment très délicat où l’économie du pays est presque à l’arrêt et où les entreprises de son secteur traversent une phase difficile et font face à de graves problèmes.
Dans le bassin minier de Gafsa, par exemple, où on aurait aimé le voir discuter avec les grévistes et les sin-inneurs, l’activité d’extraction du phosphate, dont ont besoin plusieurs usines pour fonctionner, est quasiment à l’arrêt. La situation dans les autres sites de production n’est pas meilleure. Et M. Marzouk trouve normal de se faire «rapatrier» en France et de rester coincé là-bas, en dirigeant son département via un écran d’ordinateur.
Il dessert le gouvernement dont il est censé être solidaire
Les gens ont de bonnes raisons d’être choqués par ce comportement qui, pour le moins que l’on puisse dire, ne dénote pas un engagement de la part du ministre dans la gestion des affaires dont il a la charge et qui, elles, n’attendent pas.
Nous n’allons pas jusqu’à demander la démission de M. Marzouk, qui dessert le gouvernement dont il est censé être solidaire et ternit davantage l’image du parti qu’il représente, Ennahdha en l’occurrence. Beaucoup l’ont fait, à juste titre. Mais il nous doit, sinon des excuses, du moins des explications. Car on voit mal le ministre rentrer à Tunis, observer une quatorzaine puis revenir à son bureau, comme si de rien n’était.
En fait, il s’est passé quelque chose qui n’aurait pas dû avoir lieu, pour ne pas dire qu’il a commis une bêtise, et il est tenu de se la faire pardonner. Si son orgueil personnel l’en empêche, qu’il reste là où il est : il n’a plus rien à faire dans ce pays qui ne lui doit rien et qui n’attend rien de lui. D’ailleurs, il a été plusieurs fois ministre, et a dirigé plusieurs départements où il n’a pas laissé d’impérissables souvenirs.
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