Avec les dérives que Rached Ghannouchi, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et du parti islamiste Ennahdha, impose au système politique en place en Tunisie depuis 2011, la Tunisie va-t-elle entrer bientôt mutatis mutandis sous le régime de Wilayet El-Fakih, en vigueur en Iran depuis l’avènement de la République islamique ?
Par Hassen Zenati
La stratégie institutionnelle de Rached Ghannouchi aboutira à faire vivre la Tunisie sous la double dictature d’un parti unique et d’un régime d’assemblée, sans aucun contre-pouvoir. C’est l’objectif ultime occulte du chef d’Ennahdha.
Vers une démocratie du vote unanime
Un parti unique parce que le chef d’Ennahdha ne jure que par le «consensus», ce qui est exactement aux antipodes de la démocratie, qui est un régime ouvert de confrontation d’idées et de programmes, de concurrence politique et de vote majoritaire pour ou contre des projets précis, exposés et débattus publiquement et sans entraves. Un système consensuel est par nature anti-démocratique puisqu’il contraint les minorités au silence au nom du consensus et de l’intérêt général, en exhibant de la non-opportunité.
Un régime d’Assemblée, parce que Ghannouchi cherche, au nom du consensus, à mettre sous sa tutelle et celle de l’Assemblée qu’il dirige tous les partis politiques qui y sont représentés. Tout se fera alors en vase clos, avec sans doute vote «unanime» et à «mains levés», comme dans le bon vieux temps.
Ghannouchi aura ainsi écarté le Chef du gouvernement réduit au rôle de Premier ministre, qui n’aura plus aucune prise sur les députés, et le président de la République, pourtant seule autorité tirant sa légitimité du suffrage universel, pour exercer seul l’autorité, dans la confusion totale des pouvoirs constitutionnels (exécutif, législatif, judiciaire) devant être séparés.
Rached (Rouhollah) Ghannouchi
L’Assemblée ayant perdu tout pouvoir de contrôle, et comme il n’existe pas encore de Cour constitutionnelle (elle devait être en place en 2015, mais Ennahdha, dominant l’Assemblée, a œuvré pour qu’elle ne voit pas le jour), c’est vogue la galère pour la dictature et un régime plébiscitaire, à travers la multiplication des référendums populaires pour un simulacre de démocratie.
En forçant à peine le trait, la Tunisie entrera alors mutatis mutandis sous le régime de Wilayat El-Fakih, en vigueur en Iran depuis l’avènement de la République islamique, en 1979, et dont M. Ghannouchi était, soit dit en passant, un fervent défenseur dans les années 1980, quand son modèle s’appelait Rouhollah Khomeini.
Il faut s’opposer à cette dérive et y mettre fin. On ne pourra le faire qu’en dissolvant l’Assemblée et en appelant sans tarder à l’élection d’une assemblée constitutionnelle qui sera chargée de rédiger une nouvelle constitution rompant avec toutes les ambiguïtés de la constitution actuelle quant à la nature de l’Etat (civil, ou religieux) du régime politique (présidentiel ou parlementaire) et du projet de société. Il faut faire vite avant que tout retour en arrière ne soit rendu impossible par les manœuvres du président d’Ennahdha. Et des manucures, il en a plein dans sa gibecière.
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